Quels sont les enjeux des élections du 4 décembre 2014 selon la CFDT ?

Laurent Berger. Ces élections sont avant tout un enjeu professionnel pour l’ensemble des 5,2 millions agents des trois versants de la fonction publique. Ils sont appelés à élire leurs représentants à l’heure où il n’y a jamais eu autant besoin d’espaces de progrès avec leurs employeurs. Depuis quatre ans, la perte de sens de mission des agents publics, l’addition de tâches contradictoires et l’absence de réponse sur leur avenir sont fortes. Pour que la notion de dialogue social avance dans la fonction publique, j’appelle à faire progresser notre syndicalisme d’engagements et de propositions. La CFDT a une ambition pour la fonction publique. Toutes les listes ne peuvent pas en dire autant. Le dialogue social ne viendra pas de l’État ou des syndicats conservateurs et repliés. La puissance publique en tant qu’employeur ne sera prompte à développer un dialogue que si elle trouve en face un interlocuteur qui soit capable d’y répondre. Pour autant, le dialogue social est essentiel à l’heure où le Pouvoir exécutif ne parle que restrictions budgétaires dans une approche purement comptable. Faire des efforts, pourquoi pas, mais il faut leur donner un sens et une vision. Par ailleurs, un service public de qualité est un atout de compétitivité. Ces élections sont ainsi importantes par l’ampleur du nombre d’électeurs et de ce qui est en jeu. Et rappelons au passage que la représentativité globale de la CFDT dépend aussi du résultat des élections dans la fonction publique.

Comment la CFDT est-elle à l’écoute des cadres ?

L.B. D’un secteur à l’autre, les cadres se plaignent d’un travail trop normé qui ne leur permet pas d’exercer sereinement leurs fonctions. J’en rencontre souvent : tels responsables de gestion à l’hôpital d’Aurillac, ou de services dans une préfecture du Vaucluse… Ils se plaignent d’une négation de leur rôle en tant qu’acteur de la conduite du changement. Or, ils savent comment organiser les missions si on leur laisse de l’espace pour le faire. Cette absence de concertation dans un contexte de rationalité gestionnaire est contreproductive quant au service rendu à l’usager. Les cadres publics ont un rôle à jouer dans la modernisation du dialogue social. Cette analyse critique de l’organisation de l’activité est un atout pour la CFDT. Les cadres apportent un angle différent extrêmement utile pour l’action syndicale. Quand les cadres expriment un mal-être au travail et ont le sentiment de ne pas avoir les moyens de faire correctement leur travail, ils illustrent le pilotage des administrations. À cet égard, l’absence totale de concertation et de dialogue social dans la mise en œuvre de la révision générale des politiques pubiques (RGPP) puis de la modernisation de l’action publique (MAP) est une marque de mépris des pouvoirs publics à l’égard de ces agents. Aux militants de relayer leurs témoignages. À ce titre, notre opération « une carte, une idée », qui donne la parole concrètement aux agents, connaît un vrai succès. Nous en remontons des expressions riches et précises de cadres. Nous le savons, dans la fonction publique, la voie est étroite pour que le syndicalisme de propositions trouve la place à laquelle il a droit. Notre défi, c’est d’y parvenir.

Quelle est la responsabilité de notre syndicalisme à l’égard des cadres publics ?

L.B. Le 48e congrès (Marseille, juin 2014) a été un moment important pour les adhérents managers, experts ou ingénieurs… De nombreux débats, discours et interventions, à tous les niveaux, ont marqué une profonde reconnaissance du fait syndical chez les cadres au sein de la CFDT. Le syndicalisme cadre CFDT doit ainsi parler professionnel avec les agents de catégorie A. Certains sont affiliés à des associations professionnelles en fonction de leur corps et leur statut. Elles fleurissent quand les syndicats sont absents. Le syndicalisme apporte, lui, un débat sur l’organisation du travail et se fait l’écho des conditions de travail. Les deux ne sont pas exclusifs puisque les agents ont besoin de visibilité et d’information sur leurs parcours. Mais cela nous renvoie à la structuration de la CFDT qui a montré qu’elle peut valoriser les métiers. Et ce dans l’intérêt des agents.

Comment articuler cadres, dialogue social et syndicalisme ?

L.B. Comme je l’ai dit lors de notre dernier congrès, la modernisation du dialogue social doit concerner 100 % des salariés, donc les cadres aussi. Prenons l’exemple du protocole d’accord relatif à la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique, signé le 22 octobre 2013 par la CFDT. Il vise notamment à conforter le rôle, la place et les moyens de l’encadrement. Il sera par exemple possible de créer des espaces de discussion au niveau des encadrants eux-mêmes pour échanger sur leurs pratiques professionnelles. La CFDT s’en félicite : autant le dialogue social se meurt de ses représentations, autant il se nourrit de réalités professionnelles partagées. Quand la CFDT sait capter la parole sur le travail pour la transformer en revendication, elle se rend profondément utile. Cette articulation entre le professionnel et le social faisait débat au congrès de Tours il y a quatre ans. Nous avions âprement débattu de l’efficacité des espaces de dialogue qui échappent aux institutions représentatives du personnel. Le salarié a besoin de discuter entre pairs. Si nous, syndicalistes, savons nous servir de cette parole sans la contrôler, nous sommes plus forts. Les agents sont plein de ressources. A nous de les écouter et de ne pas être déconnectés de la question du travail. Irriguée par les revendications des cadres, par leurs analyses sur les réformes en cours, la CFDT se démarque ainsi du syndicalisme aux mains vides… En votant CFDT, les cadres publics agissent concrètement pour un dialogue social améliorant leurs conditions de travail et donc la qualité des services au public.