Pour fêter ses trente années d’existence, l’Institut de Recherches Economiques et Sociales nous propose cette rétrospective qui réunit sous la direction scientifique d’Odile Join-Lambert un certain nombre de contributions éclairant les missions d’un centre de recherches « au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs ».

La première partie de l’ouvrage effectue sous la plume de Jacques Freyssinet, directeur de 1988 à 2002, un retour sur les publications de l’Institut (La Lettre de l’IRES, La Chronique internationale et La Revue de l’IRES), vecteurs de son impact interdisciplinaire dans les domaines scientifique et professionnel, avec la société salariale comme principal objet. La synthèse d’Odile Join-Lambert sur les enjeux et usages de la comparaison internationale dans les publications de l’IRES complète ce tableau en situant dans le paysage académique une production dont la pertinence et la qualité doivent être jugées à l’aune des missions de transfert fondant les négociations sur une meilleure connaissance des effets du contrat salarial. La pratique des chercheurs de l’IRES permet de retracer les trajectoires de la valeur travail au-delà du modèle français pour porter le regard à la hauteur des enjeux européens. Le bilan heuristique qui se dégage est celui d’une certaine fragilité méthodologique de la pratique comparative : le recueil des matériaux empiriques s’avère exigeant et il demeure difficile d’extraire des conclusions robustes du croisement d’approches différenciées.

La seconde partie fournit en quelque sorte l’illustration de ces difficultés en retraçant l’évolution des stratégies syndicales et des négociations salariales face à la crise qui se développe actuellement en Europe. Les salaires sont-ils aux racines de la crise de la zone euro en tant que facteur de perte de compétitivité ? Michel Husson et ses collègues répondent par la négative, bien que la question salariale soit devenue une catégorie centrale dans la gestion de cette crise. En effet, selon Gilles Raveaud, la gouvernance de l’Union européenne instaurée à partir de 2011 a fait du salaire l’ennemi de la compétitivité. Les politiques néolibérales exposent les salariés de la zone OCDE à la double peine d’une baisse tendancielle des salaires et d’une montée des incertitudes sur l’emploi, confrontant les déciles inférieurs du revenu salarial à un risque accru de pauvreté. Les contributions des chercheurs de l’IRES documentent ces tensions dans des contextes nationaux spécifiques, successivement pour les Etats-Unis, la Chine et le Brésil, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Cette synthèse des travaux menés depuis plus de cinq ans par les chercheurs de l’IRES bouscule un certain nombre de fausses évidences sur les marchés du travail dans la zone OCDE.

En liaison cette période de sortie de crise, la dimension sectorielle et la place de l’innovation technique dans ce processus d’ajustement salarial pourraient fournir la matière de bilans ultérieurs, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies de l’Information et de la communication. Dans cette perspective, espérons que l’IRES renouvelle son contrat pour les trente prochaines années !