Le monopole des scientifiques sur les choix techniques est fortement interrogé aujourd’hui, mais la mise en question touche aussi un certain partage entre le monde de faits, dévolu aux savants, et celui des valeurs qui appartiendrait aux politiques.

Les travaux de Bruno Latour sont ici fondamentaux. Son essai intitulé Politiques de la nature raconte comment, sous couvert de la neutralité de la science et bien souvent animés par les meilleures intentions, les savants se sont octroyés une fabuleuse capacité politique, puisqu’ils ont le pouvoir d’imposer de nouveaux objets dans la société et de faire taire les oppositions des autres acteurs sociaux, ramenés à l’ignorance des profanes. La plupart des décisions techniques prises par les politiques s’appuient sur en effet sur la légitimité du savoir scientifique échappant au débat démocratique, alors même que ces décisions impactent profondément quelquefois notre mode de vie et d’organiser la société.

La sociologie des sciences a depuis longtemps montré que la production des connaissances n’est pas aussi désintéressée, pure de tout enjeu de pouvoir et de société, que ne le suggèrent les représentations classiques de la science. Il y a ici un mensonge épistémologique, qui vient soutenir ce que l’on pourrait nommer un abus politique. Dans une France encore marquée par la culture saint-simonienne qui rêvait d’une société dirigée par les savants, cette situation a mis longtemps à émerger comme ce qu’elle est : une résurgence moderne du pouvoir spirituel dont l’Eglise catholique eut longtemps le monopole. Certaines questions politiques sont aujourd’hui sacrées, comme l’a montré la violence des polémiques autour des déclarations iconoclastes de Claude Allègre sur le réchauffement du climat.

Comment alors ramener dans le débat public des questions qui en ont été longtemps écartées ? Car si le monopole des scientifiques