Cette mise en garde figure, de façon résumée mais mots pour mots, dans un article paru en mai-juin 1981 dans la revue Cadres CFDT n°298. « Idéologie de l'organisation et troubles psychiques », par le docteur Paul-Louis Brétécher, a été écrit à l'aube du tournant historique que devaient marquer « les nouveaux droits des travailleurs ».

Les nouveaux pouvoirs des experts

Un quart de siècle après, tout se passe comme si, en fait de droit de travailleurs, ne trouvaient à s'affirmer que « les nouveaux pouvoirs des experts ». Ce que des institutions publiques nomment, de façon au demeurant impropre, les « risques psychosociaux » amalgame la « souffrance au travail » qu'un autre médecin psychiatre a cru bon, il y a une quinzaine d'années, de dénoncer tout d'un bloc et sans nuances, avec le « harcèlement au travail », autre découverte éditoriale consacrée par le droit. Ces appellations grandiloquentes ont ceci de commun qu'elles procèdent de « montées en généralité » plus propices à la dénonciation en général et à la réputation de leurs auteurs, qu'efficaces pour une action locale et située.

Ce n'est pas dire que ces catégories ne soient que « pure idéologie », bien au contraire : leurs effets de réalité sont patents. Ces catégories se prêtent en effet à la statistique (combien de personnes à risques ?) et celle-ci à la médiatisation (« votre entreprise est dans la moyenne »). Elles instituent des délits donc des plaintes, des victimes donc des « bourreaux », des procès donc des avocats, des indemnités et des responsabilités, donc des risques à prévenir ou à assurer. Elles constituent des prestataires et ceux-ci des prestations, lesquels se concurrencent par la « méthodologie », réputée d'autant plus