Ce que d’aucuns appellent des incivilités dans les services publics, vécues souvent par les agents comme de véritables violences, sont relatées dans la rubrique des faits divers et analysées sous l’angle de la morale ou de l’évolution sociologique, stigmatisant au passage certains quartiers des grandes agglomérations.

Francis Ginsbourger, qui avait déjà donné à notre revue quelques pages sur ce thème, suggère dans cet ouvrage une toute autre approche. Il propose d’abord une relecture historique de ce qui a fondé les relations avec les usagers dans le service public : relations anonymes au nom de l’égalité de traitement inscrite dans un cadre centralisé à fonctionnement vertical, symbolisé par le statut des fonctionnaires. Dans les faits, malgré ce cadre rigide, se sont créés au fil des années des espaces de liberté où l’agent public connaissait bien sa « clientèle » même s’il parlait toujours d’usager (terme sacralisé dans la fonction publique) et savait adapter le service à la demande : l’exemple le plus emblématique étant peut-être celui du facteur et du rôle social joué…

Les années 2000 ont amené la rationalisation de l’organisation en imitant les méthodes employées dans les entreprises privées, l’introduction des technologies de l’information, autant de processus qui ont contribué à supprimer les marges de manœuvre. L’individualisation des réponses présentée comme répondant aux nouvelles demandes des usagers supprime la personnalisation de la réponse.

Partant de cette analyse, Francis Ginsbourger à partir d’expériences concrètes décrites dans l’ouvrage, constate pourtant des différences importantes de comportement des usagers pour un même service à priori. Il propose alors une lecture différente qui met en cause l’organisation du travail imposée sans concertation. Dans le triptyque décideur public (Etat ou collectivités territoriales), agents