La théorie des parties prenantes

Deux questions majeures semblent diviser aussi bien les chercheurs que les praticiens. L’une porte sur la nature de la responsabilité du management : les dirigeants de l’entreprise ont-ils des obligations envers leurs actionnaires, ou envers la collectivité dans son ensemble ? L’autre concerne les modalités dont disposent les dirigeants pour affirmer leur position dans ce domaine : comment éviter les décalages entre les discours affichés et la réalité des pratiques ?

Une lecture historique montre que ces deux aspects ont fait l’objet de débats intenses dès les années 1930. Ainsi, à propos de la nature de la responsabilité, Berle et Means1 notent en 1932 le développement d’une pression sociale s’exerçant sur les dirigeants pour qu’ils reconnaissent leur responsabilité auprès de tous ceux dont le bien-être peut être affecté par les décisions de l’entreprise.

Décrivant l’évolution probable du concept d’entreprise, ils indiquent que « le contrôle des grandes entreprises devrait conduire à une technocratie neutre équilibrant les intérêts des différents groupes de la communauté ». Cela évoque, sans aucun doute et bien avant sa formulation dans les années 1960, la théorie des parties prenantes (Stakeholder theory). L’entreprise n’est plus envisagée comme un monde clos, mais comme un lieu ouvert où se croisent différents types de relations entre ses stakeholders : ses collaborateurs, clients, fournisseurs, actionnaires, partenaires et plus largement son environnement. La conception traditionnelle, qui privilégie les actionnaires (shareholders), est intégrée dans une vision plus large ; les considérations financières (rapports avec les actionnaires) peuvent conserver leur préminence, mais elles ne sont plus les seul