Recourir à l'intervention publique pour pallier l'inefficacité du marché reste une question ouverte, fort débattue et d'une grande actualité. Comment réduire la pollution dans les métropoles ? L'instauration de normes d'émission est-elle plus efficace que l'imposition d'une taxe selon le principe pollueur/ payeur ? La déréglementation des télécommunications remet-elle en cause les obligations de service public de France Télécom ? Pourquoi séparer gestion des infrastructures ferroviaires et exploitation des services de transport ?

Pour répondre aux questions pratiques posées par cette forme d'action collective qu'est l'intervention publique, François Lévêque, professeur d'économie à l'Ecole des Mines, spécialiste des questions environnementales, nous livre dans cet ouvrage une synthèse dense mais didactique des développements de l'analyse économique de la réglementation.

Par rapport à l'économie publique traditionnelle qui s'en tient aux seuls défaillances du marché et raisonne sur la base d'une réglementation supposée parfaite, l'économie de la réglementation s'attache à prendre en compte conjointement les défauts du marché et les imperfections de l'action publique. L'économie de la réglementation admet ainsi que les politiques publiques peuvent avoir un coût pour les citoyens ou les usagers, supérieur aux bénéfices attendus. Egalement, selon cette théorie économique, les objectifs visés par l'intervention publique ne se limitent pas à la recherche de l'efficacité économique, mais se préoccupent aussi de l'efficacité redistributive du surplus. L'ouvrage introduit le lecteur aux concepts et théories de l'économie de la réglementation par une synthèse originale qui unifie les différents développements historiques tout en évoquant leur contexte.

Le parti-pris pédagogique de l'auteur ne s'arrête pas là. L'ouvrage est conçu autour des trois concepts-clés d'externalité, de monopole naturel et de bien collectif. A partir de ces concepts, l'auteur ouvre chacun des chapitres sur une question d'actualité : le contrôle de la pollution, l'ouverture à la concurrence des industries de réseau, la réglementation des biens collectifs et des activités de service public. Le choix des domaines d'application reflète ainsi l'impact de la réglementation sur la vie sociale et ses acteurs (producteurs, consommateurs, usagers, citoyens) dans le champ exploré.

Pour le praticien ou l'étudiant ce livre est un véritable manuel et constitue donc une source documentaire précieuse, incluant une bibliographie abondante. Mais même un manuel, soumis aux contraintes de l'exposé didactique finit par refléter dans sa conception le point de vue de son auteur. Ainsi, reprend-il à son compte la formule d'Arrow«c'est une erreur que de limiter l'action collective à l'action de l'Etat». La réglementation publique n'est qu'une solution parmi d'autres.

Dont acte, le choix de l'action collective pour corriger les défaillances du marché reste ouvert. Mais affirmer que l'action de la puissance publique n'est justifiée que si ses coûts sont inférieurs à ceux des solutions alternatives et aux bénéfices qui en résulteraient, peut conduire à reconsidérer le mode de calcul et la prise en compte des coûts, de tous les coûts. Pour le théoricien, il convient de vérifier la pertinence des concepts élaborés, liens entre la théorie et les questions empiriques. Pour le citoyen, peut-on espérer que s'ouvre là un espace lui permettant d'exercer sa participation à un débat démocratique ?