La revue Cadres publie deux numéros sur la formation des managers. Le premier de ces deux numéros, que vous tenez entre les mains, lance des pistes de réflexion et tente de dresser un état des lieux. Le second numéro (parution en mars 2014) donnera la parole à des cadres, des étudiants et des professeurs sur le sujet.

Il est ici question de formation initiale mais également de formation continue. Cette approche permet d’une part de ne pas exclure de notre propos toutes les personnes qui sont devenues cadres au cours de leur carrière. D’autre part, les différences entre ces deux types de formation sont moins importantes qu’il n’y pourrait paraître de prime abord. La formation initiale concerne il est vrai des étudiants éloignés le plus souvent du monde professionnel, alors que la formation continue s’adresse à des professionnels avec plus ou moins d’ancienneté. Mais la formation en alternance est devenue une norme dans les écoles de management : il est devenu fréquent pour un étudiant de faire son école en cinq ans et non en trois ans, les deux années supplémentaires s’effectuant en entreprise, en France ou à l’étranger. Dans la formation initiale comme dans la formation continue, le va-et-vient entre enseignements théoriques à l’école ou à l’université et pratique en entreprise est devenu une réalité partagée.

Plus que la formation à l’encadrement, c’est la formation au management qui pose problème, comme le souligne Frederik Mispelblom Beyer dans son article. L’enseignement dispensé à l’école des officiers supérieurs de la gendarmerie nationale offre un bel exemple d’une formation à l’encadrement (voir l’entretien avec Stéphanie Serrat) : les élèves officiers apprennent des savoir-faire et des savoir-être qui seront indispensables pour encadrer des gendarmes. L’apprentissage s’effectue à partir de retours d’expérience du terrain et de l’acquisition d’un vocabulaire commun à tous. Cet enseignement classique correspond à une des réalités de l’encadrement dans les grandes entreprises.

L’enseignement du management, c’est-à-dire de théories et de leur mise en pratique, est au contraire beaucoup plus complexe, entre autres parce qu’il suppose des choix théoriques qui ne vont pas de soi. Jean-Paul Bouchet nous dit que pour apprendre à bien manager, il faudrait accorder dans l’enseignement une plus grande part à la réflexivité, c’est-à-dire à une réflexion sur les expériences vécues dans l’entreprise ou l’administration, avec une mise en perspective qui s’accorde à un contexte économique et social précis. Comme c’est difficile à mettre en place, les managers qui sortent d’une formation sont mal aguerris pour affronter la complexité de leur quotidien au travail.

Et pourtant, la formation des managers est en train d’évoluer. Pascal Junghans nous l’explique bien. Depuis quelques années, dans la mouvance anglo-saxonne qui n’a décidément pas dit son dernier mot, les enseignements transversaux sont de plus en plus nombreux dans les cursus de formation français. Ils apprennent aux étudiants la complexité du réel et la diversité des cultures d’entreprise tant dans le cadre national que dans le reste du monde. Souvent plébiscités par les étudiants et les entreprises, ils représentent également pour notre enseignement supérieur un moyen de se mettre au niveau des standards internationaux.

Plusieurs auteurs de ce numéro de la revue Cadres nous disent en réalité que le manager accompli est celui qui a su digérer les savoirs théoriques de l’apprentissage initial et (ou) continu. A partir de son histoire personnelle et des spécificités propres de son cadre de travail, il a su prendre de la distance avec ces enseignements pour manager « à sa manière ». Cette prise de distance, cette réflexivité par rapport aux contenus théoriques des formations lui permettent de prendre toute sa place dans son entreprise ou son administration.