Comme les marronniers dans les journaux, la question de la responsabilité sociale des entreprises revient à intervalles réguliers dans les questions syndicales à traiter. Dès que les trois lettres sont prononcées : RSE, le doute s’installe. La RSE peut-elle s’apparenter à autre chose que du « greenwashing » ? Les entreprises sont-elles sincères et souhaitent-elles vraiment être efficaces lorsqu’elles mettent en place des indicateurs destinés à évaluer la progression du nombre de femmes, de personnes issues de minorités ou de handicapés dans l’entreprise ?

Derrière le vernis appliqué pour avoir une bonne image à l’extérieur de l’entreprise mais aussi auprès des collaborateurs, on s’aperçoit vite que la RSE, ce n’est pas seulement des effets d’annonce. C’est un outil qui peut aider à maintenir ou créer des emplois, à améliorer les services rendus par l’entreprise et à augmenter sa performance.

La RSE peut être centrale dans la stratégie de développement d’une entreprise. C’est ce qui ressort de l’entretien avec Christophe Lambert, gérant et actionnaire d’une PME textile de Laval qui emploie 180 personnes, TDV Industries. Dans les années 90, dans un secteur moribond en France, l’entreprise fait le choix de ne pas délocaliser et d’investir la filière économiquement responsable en achetant du coton à des producteurs africains à un prix décent. En misant sans cesse sur l’innovation et les investissements, en mettant en avant les nombreux labels RSE qu’elle possède, TDV parvient à remporter des marchés publics (elle fournit par exemple le tissu des vêtements de travail des agents de nettoyage de la Ville de Paris) et garde des clients attachés à la production sur le territoire français, comme c’est le cas de l’armée française, un des plus gros clients de cette PME textile. Le social ne joue pas contre l’économique.

Ensuite, la RSE peut rendre l’entreprise plus performante. Chez Allianz, Jean-Luc Durand est chargé des achats responsables. Acheter responsable, c’est avant tout appliquer une mesure simple : payer ses fournisseurs dans des délais courts, une action essentielle quand on sait que le quart des faillites de petites et moyennes entreprises est lié au retard dans les paiements dus. Cette politique est socialement responsable, mais elle sert aussi directement l’entreprise en retour. En traitant bien ses fournisseurs, l’entreprise incite ces derniers à traiter leurs dossiers prioritairement et dans de bonnes conditions. Dans le secteur de l’assurance, c’est une manière d’obtenir un service rapide et de bonne qualité en cas de sinistre, d’une réparation d’une voiture après un accident par exemple. Cette politique permet d’accroître la performance des filières d’activité et de faire émerger des entreprises de taille intermédiaire.

La question de la relation entre l’entreprise et ses sous-traitants mais aussi des sociétés mères vis-à-vis de leurs filiales et fournisseurs est centrale comme nous l’explique Aurélien Acquier. Si plusieurs textes internationaux ouvrent la voie à une responsabilisation des sociétés mères et des donneurs d’ordre, la jurisprudence reste instable et incertaine. En France, une proposition de loi vise à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. La question du contrôle reste cruciale.

Dans la mise en place et le développement de la RSE, la place des cadres est centrale. Ce sont eux qui mettent en place la politique décidée par la direction et qui sont jugés sur sa bonne application. C’est aussi pour cette raison que nous avons décidé de consacrer un numéro de notre revue Cadres à cette question. Nous espérons que les différents articles du dossier apporteront de nouvelles clés de lecture sur le sujet.

Il nous reste à remercier Franca Salis-Madinier et plusieurs membres du bureau national de la CFDT Cadres pour leur aide dans la préparation de ce dossier : Cécile Tampreau, Jean-Jacques Cette, Soraya Duboc et Pierre Rivière. Ensemble, nous avons décidé d’insérer des petits dessins humoristiques pour agrémenter la lecture de ce numéro.