« Si, dans quinze ans, on me dit que je suis atteint d’un cancer, contre quelle entreprise vais-je me retourner ? Qui sera responsable ? » (salarié d’un sous-traitant d’EDF, intervenant dans la maintenance nucléaire, ayant changé plusieurs fois d’entreprise)2.

Le 6 mai 2014 s’est tenue au Collège des Bernardins à Paris une table ronde réunissant juristes, économistes et représentants politiques3, et qui avait pour thème « La responsabilité des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre : quelles justifications ? Quelle portée ? ». La table ronde est l’occasion de faire le point sur l’origine et le contenu du projet de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre du fait de leur filiale ou de leurs sous-traitants4 (partie 1), de faire état des discussions sur ses implications juridiques (partie 2)5 et de développer quelques éléments de mise en perspective à l’aune des transformations organisationnelles des entreprises au cours de ces dernières années (partie 3).

L’origine et le contenu du projet de loi

Danielle Auroi, parlementaire écologiste et co-auteur de la proposition de loi, est tout d’abord revenue sur l’histoire du projet et ses fondements. Le point de départ du projet a été l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bengladesh en avril 2013. Au-delà de l’émotion suscitée par le drame qui a coûté la vie à plus de 1100 travailleurs, le projet part du constat d’une multiplication de crises environnementales ou sociales impliquant des acteurs liés par leur activit