Le mot « éthique » est utilisé à toutes les sauces : éthique des affaires, placements éthiques, entreprises éthiques, éthique du management, etc.

Tant d'usages divers inquiètent. Le mot a-t-il un sens précis ? Ne serait-il pas un concept mou, bien commode pour signifier ce qu'on a la paresse de préciser ? Ou encore un terme manipulateur dont l'évocation suscite des sentiments valorisants et contribue à faire céder celui qu'il faut convaincre ?

Les mœurs, la morale, l'éthique

Fortune étrange que celle de ce mot, bien peu usité dans la langue courante voici trente ans. Le mot vient du grec : ethoi (les mœurs), ethikê (la morale). La langue française, qui dérive du latin et non du grec, n'a pas retenu le mot éthique, mais son équivalent latin morale, issu de moeurs. Le mot grec semble avoir tout récemment repris vie dans la langue française, où il n'était guère utilisé qu'en référence au titre d'un ouvrage d'Aristote1.

La quête de sens éprouvée par nos contemporains est en effet nouvelle. Émergeant de la guerre, nos parents ou grands-parents reconstruisirent le pays. Le sens s'imposait à eux : reconstruire une société humaine. Mais quand ils eurent satisfait, au moins partiellement, les besoins primaires d'alimentation, de vêtements et de logement, ils s'interrogèrent, et nous après eux : pour quel but ? qu'est-ce qui peut fonder une règle de vie en société ? C'était une réflexion morale.

Mais le mot morale était annexé par le clergé et par la bourgeoisie qui avaient l'un et l'autre perdu leur autorité « morale ». Morale bourgeoise, morale chrétienne, l'une et l'autre étaient des repoussoirs.

Comme il fallait un mot pour caractériser la réflexion sur le sens de