Écouter François Dupuy est toujours un plaisir. En suivant le fil de sa démonstration il sait la transformer en un récit où les histoires vécues sont plus fréquentes que les références universitaires. Mais il ne faut pas se tromper. Cette apparente légèreté s’enracine dans une longue pratique d’une sociologie qui aiguise le regard plus qu’elle ne formule de jugements ou de prescriptions. François Dupuy a travaillé avec Michel Crozier et se revendique d’emblée comme un « croziériste orthodoxe ». Il a pratiqué la sociologie des organisations et l’analyse stratégique comme chercheur, comme professeur, comme consultant, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Son bonheur était visible et compréhensible lorsque, depuis la salle, une militante CFDT lui a rappelé l’impact positif qu’avaient eu les formations à l’analyse stratégique des organisations au sein du ministère où elle travaillait. Mais cela se passait au temps d’avant, avant la RGPP et ses logiques abstraites, avant la sociologie quantitative et « la glaciation des sciences sociales américaines », avant que ne se fige sur écran et sous ppt la panoplie des solutions managériales vendues avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elles prétendent nous exonérer de la compréhension des problèmes à résoudre.

S’adressant le 2 décembre 2011 au public de l’OdC pour présenter Lost in management, François Dupuy a privilégié les points qui concernent plus directement les cadres. Son ouvrage précédent paru en 2006 et intitulé joliment La fatigue des élites, leur était d’ailleurs exclusivement consacré. La thèse qui y est défendue est forte. Elle se fonde sur un constat et un enchaînement logique. Lorsqu’un secteur d’activité est dominé par une logique de la demande, comme cela a été le cas pour le téléphone ou la voiture pendant les trente glorieuses, ou lorsqu’il est en situation de monopole vis