Ulrich Beck montrait dans La Société du risque (1986) comment notre monde est caractérisé par la part prépondérante des dispositifs assurantiels en tout genre, à commencer par ceux de l’Etat-providence. Mais la confiance des ménages reste aléatoire : confiance, crédit, réputation deviennent dès lors des notions clés dans la compréhension du monde économique contemporain.

Un monde sans garantie ?

Les premières théories économiques font une place privilégiée au crédit et à l’emprunt, véritables fondements de l’économie marchande. Elles réfléchissent peu, en revanche, sur les enjeux philosophiques de ce recours à la confiance comme fondement d’un ordre ; d’où la quasi-absence d’une notion comme la réputation, qui apparaît pourtant centrale dans ce système.

Le terme de réputation apparaît pourtant chez Adam Smith, mais dans sa Théorie des sentiments moraux et non dans La Richesse des nations. L’économie classique conserve de la lecture morale de l’espace social une notion comme l’envie, devenue moteur des actions et des échanges économiques ; en revanche, les images du vice et de la vertu s’estompent, les passions cessant d’être diabolisées pour rentrer dans la série des éléments dynamiques de la vie individuelle et sociale : c’est le pas accompli par Bernard de Mandeville dans sa Fable des abeilles (1714).

Ce passage fondamental de la morale vers l’économie suppose une neutralisation, un principe d’indifférence qui va se traduire par l’abandon de la référence à l’honneur, par exemple : ce qui apparaissait comme le fondement des sociétés aristocratiques cède la place à des éléments conçus non plus sur le mode de la valeur absolue, mais sur celui de la valeur relative. La société aristocratique avait besoin d’une valeur absolue, d’où l’importance donné