Sans verser, par contre-pied, dans un optimisme obligé et peu lucide, il faut néanmoins montrer les points qui viennent enrayer le bon agencement du discours de la dépolitisation, et réorienter l’analyse dans d’autres directions.

Peut-on dire, par exemple, qu’il y aurait un système de valeurs nouveau, propre aux jeunes et distinct des valeurs des générations précédentes ? Les études européennes menées sur ce sujet insistent sur deux points : les jeunes aujourd’hui seraient moins politisés que leurs parents au même âge et plus généralement moins contestataires vis-à-vis de la société en général1.

Il est évident à partir de tels présupposés que notre histoire collective ne peut s’interpréter qu’en termes de déficit : fragilisation du lien social, dépérissement du politique, perte du sentiment historique. Mais ce qui frappe dans cette analyse, c’est justement son manque de mise en perspective historique. L’inconvénient de nombreuses approches est qu’elles croient pouvoir retenir l’âge comme un bon critère de description de la situation des jeunes. Or, cette conception fixiste favorise justement la projection d’attentes prédéfinies et ne prend pas assez en compte ce qu’on peut appeler à la fois l’effet de période et l’effet de génération.

La dépolitisation, un discours à reconstruire

L’effet de période est ce qui permet de rendre compte de l’influence de la période qu’ils vivent sur des jeunes qui ont le même âge. Il est ainsi évident qu’avoir vingt ans à la Libération, au début de la guerre d’Algérie ou dans une période de fort chômage n’a pas la même signification. La question posée ici est celle de l’expérience historique collective : y a-t-il une expérience fondatrice d’un sentiment collectif ? On en vient ainsi au deuxième effet, l’effet de génération qui