« Le 24 mars 1997, j’ai été m’inscrire à l’ANPE, après avoir été licenciée pour « perte de confiance ». Le 1er janvier 1998, on m’a nommée chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Le paradoxe était trop exemplaire : c’était quoi cette société qui marchait sur la tête ? ». Claire Gallois a alors écrit une chronique dans « le Figaro » et a été invitée à la télévision. Elle a donné la parole à des chômeurs « ceux à qui on ne donne jamais la parole, ceux qui luttent tous les jours contre la tentation d’en finir. Ceux qui gagnent sur eux-mêmes, anonymes, héroïques, le courage de continuer à vivre demain. « Plus jamais honte », c’est cela que je voulais leur dire, c’est cela qu’ils ont voulu écrire ».

Ils ont écrit, avec une unicité de style qui laisserait à penser que les copies ont été quelques peu relues, mais un écrivain pouvait-il se contenter d’écrire une page et demie de préface ? Des témoignages et du ressenti, pas commentés, même quand il y a des erreurs de fait (par exemple « avant un an, les entreprises ne cotisent pas à l’UNEDIC » page 49), et en fin de volume, quelques « brèves de blues et chroniques des temps de crise » dont certaines ne manquent pas d’humour (« il est infiniment plus facile de se maintenir dans un emploi que l’on déteste que de conquérir un emploi que l’on aimerait ») et d’autres sont (comme certaines lettres) tristement sur le thème « c’est la faute aux hommes politiques et aux syndicats » (« brillante étudiante jusqu’à 26 ans, ma fille possède des diplômes de haut niveau et n’a trouvé aucun emploi. Elle doit être hospitalisée pour dépression grave. Sa cousine n’a qu’un brevet élémentaire. Au chômage, elle a décidé de s’inscrire dans un parti : elle a obtenu un poste de responsable à la Sécurité sociale », « le but des syndicats en France est avant tout de défendre l’emploi de ceux qui ont encore la chance d’en avoir un. Lorsque les syndicats réclament « toujours plus » pour leurs salariés, ils suppriment autant de moyens de donner à ceux qui ont « toujours moins » », « aux prochaines législatives, je voterai d’un bulletin blanc marqué SANS MOI »).

La vision donnée par les lettres est particulièrement noire. Non seulement le boulot est rare et mal payé mais l’ANPE et les ASSEDIC ne sont peuplés que de « fonctionnaires » désinvoltes et les entreprises de recruteurs méprisants. Rien sur les agents du service public de l’emploi qui essaient de faire leur boulot le mieux possible (il y en a !), ni sur les chômeurs qui participent à des organsations (il y en a aussi !). Désespérant, non ?