Au départ une excellent idée : parler du management à la lumière de la psychanalyse et de la littérature, faire à partir de la « Comédie humaine » de Balzac une « Comédie du management ».

A l'arrivée, on a trois cents pages de texte et cent de notes, le tout bourré de références psychiatriques, littéraires et cinématographiques, d'Alain à Hergé en passant par Camus et Henri Verneuil. Si l'auteur juge prudent de raconter « l'Oreille cassée » et le « le Rossignol et l'empereur de Chine », il semble supposer que chaque lecteur connaît parfaitement les œuvres complètes de Balzac, y compris « un Drame au bord de la mer » ou « Maître Cornélius ».

Le management peut être oral, anal, phallique, latent ou génital, les salariés aussi. On nous parle même du « masochisme homosexuel érogène des salariés » mais le lien entre Freud et Balzac n'est guère explicité.

Le style est bien celui de la psychanalyse « Au-delà de l'argent, c'est bien de sexualité qu'il s'agit. Manager dramatise et érotise le pouvoir. Par possession fantasmatique des hommes et femmes de l'entreprise (...) il favorise la réalité des relations sexuelles d'appropriation du pouvoir dans l'entreprise ne déclinant plus qu'une finalité : baiser, ou directement ou indirectement, par le biais préliminaire de l'argent. Dot inversée, médiateur dans la relation de séduction, l'argent caractérise ce qui, dans le recrutement (...) apparaissait, pour le manager, peur de son incompétence et, de la relation sexuelle, palliatif à la peur de son impuissance. A l'époque du capitalisme naissant, comme de la société post-capitaliste, l'argent, image d'énergie et de puissance, se fait substitut à la puissance sexuelle et donc substitut fétichiste de l'énergie sexuelle ».

« Le lien management-sexualité se structure sur la volonté d'emprise. Visible par les perversions mises en œuvre dans les sphères professionnelles et privées, l'emprise désigne un autre style relationnel, un au-delà de la tyrannie domestique courante et du vampirisme. Sur un mode général, dans la relation sujet-objet, l'emprise tend à la possession totale de l'objet ».

Et sans doute pour montrer qu'il n'a ni totem ni tabou, le professeur n'hésite pas à parler de lutte des classes. « Réhabiliter la lutte des classes structure le problème du désir de domination d'une personne en présence d'une autre personne (...). Réhabiliter avec pertinence la lutte des classes organise la structuration de contre-pouvoirs dont l'objet est de bousculer, pour le faire progresser, le pouvoir. Institutionnalisés par le pouvoir, et alliés de celui-ci, les contre-pouvoirs participent au même pouvoir et, socialisant la contestation, le protègent. Ainsi des syndicats, lorsqu'ils refusent les organisations ou coordinations autonomes. Laisser faire, et donc encourager le développement des contre-pouvoirs hors cadre négocié, est séduisant mais non démocratique, proche des vertus de la loi du plus fort. Sans contenant, les contre-pouvoirs s'avèrent, pour le pouvoir et pour eux-mêmes, mortifères. Aussi, n'est-il pas faux d'énoncer que la lutte des classes fait protection aux managers ».

L'auteur parle - toujours d'une façon complètement théorique, jamais d'entreprises réelles - d'entreprises formées exclusivement de « managers » et de « salariés », ceux-là pouvant gagner « deux cents fois plus » que ceux-ci, et explique comment les grandes écoles où il enseigne produisent les managers. Dans un éclair de lucidité il précise à ceux qu'il forme « Etudiants, vous ne serez pas tous managers ».

On a vraiment envie de dire : heureusement !