Le prix d’achat de cet ouvrage le rend difficilement accessible. C’est d’autant plus regrettable que sa consultation pourrait être le point de départ d’un échange de points de vue constructif, notamment au sein des entreprises concernées par les problématiques abordées.

Les deux auteurs, membres du cabinet Aedian Stratégie, dressent un état des lieux des pratiques RH telles qu’elles sont déclinées aujourd’hui, dans les entreprises qu’elles ont analysées et qu’elles présentent comme suffisamment représentatives1. Les auteurs nous précisent cependant que certains aspects n’ont pas été approfondis dont les relations sociales et que les dires des interviewés (DRH et autres experts en GRH) sont repris en l’état, sans autre vérification d’exactitude, nous mettant en garde sur le fait que certaines pratiques censées avoir été développées ne l’aient été que partiellement. En effet, seuls les points de vue des directions, des DRH et des consultants sont présentés, mais les préoccupations majeures des DRH sont bien identifiées.

La partie consacrée à la description détaillée de toute la panoplie des outils utilisés par les équipes RH est fort instructive, même si l’on peut regretter une absence de débats sur les différentes manières de les utiliser. Notamment l’analyse sur les SIRH n’est pas suffisamment critique sur son aspect structurant. Il serait utile, en particulier, de mettre en garde contre certains apprentis sorciers qui ne se contentent pas de traiter les seuls aspects administratifs (réellement libérateurs), imposant au contraire des comportements visant plus à asservir qu’à libérer. Les auteurs préconisent en fait les bonnes pratiques, les bonnes recettes qui ne marchent que toutes choses égales par ailleurs et supposent une modélisation de l’ensemble des idées et des comportements, ainsi que l’unification des objectifs.

La démarche consultant présentée est également significative. Si la méthode est certainement pavée d’excellentes intentions, la réalité du terrain ne l’est pas toujours, et le sens donné aux éléments est bien plus déterminant que leurs définitions d’origine. On y apprend entre autres comment maîtriser le changement en repérant ses « victimes » et ses « acteurs ». La modélisation, omniprésente, ne laisse pas de place à la négociation. Le personnel n’apparaît pas dans sa composante collective, mais uniquement comme un ensemble d’individualités à analyser et travailler en vue de les transformer en alliés des stratégies de l’entreprise. Rien n’est dit en revanche sur le traitement final des opposants irréductibles, rien n’est dit sur la façon de les identifier… L’absence de confrontation à l’autre – autres points de vues, autres façons de penser le changement – fragilise la volonté affichée d’objectivité, de rigueur et de neutralité.

Le chapitre le plus riche en sens est celui consacré à la présentation de responsables RH qui développent les meilleures pratiques dans les entreprises dont neuf ont été retenues. Les portraits réalisés avec de nombreux passages extraits des interviews sont très vivants. En effectuant une lecture sous l’angle de ce qui est dit par les experts interrogés à propos des hommes et des femmes qui travaillent dans l’entreprise, les portraits se différencient fortement. Certains semblent s’orienter résolument vers une approche humaine, d’autres choisissent une approche outils, reléguant la composante humaine à la connaissance quantitative de l’effectif.

Les plus convaincants restent ceux qui ne parlent pas d’eux-mêmes, mais du travail réalisé par le collectif, dans le respect accordé à chacun afin qu’il s’approprie, à son niveau, les enjeux vitaux de l’entreprise, pour que l’entreprise dans la globalité de ses composantes gagne la bataille de la performance. C’est la démonstration que dans les démarches RH, la composante humaine est fondamentale, tant dans la personnalité de ceux qui la pilotent que de ceux qui l’accompagnent, la mettent en œuvre ou la subissent.

Cet ouvrage mériterait d’être prolongé d’une étude permettant la confrontation de la vision de ces experts à celles des cadres et des représentants du personnel.

Si vous souhaitez réagir à cet article, notamment en indiquant les pratiques RH telles que vous les percevez dans votre entreprise, communiquez vos réactions à la rédaction, qui transmettra.

1 : « Is globalisation today really different than globalisation a hundred years ago ». Document de travail du National Bureau of Economic Research. Juin 1999.