Pour mieux comprendre les débats nés autour des nouvelles normes comptables, peut-être faudrait-il passer par les acteurs de ces débats ?

Ce n’est pas une mauvaise porte d’entrée, mais il faut sans doute partir des termes mêmes du débat. Ce qui est au centre des polémiques, c’est donc cette « juste valeur » (fair value), dont le principe fondateur est que le meilleur instrument d’évaluation reste le marché, et que ce marché soit efficient – c’est-à-dire qu’il fonctionne, qu’il ne se réduise pas à un seul client et un seul vendeur. Or, pour évaluer un actif, au bilan d’une entreprise, on n’a pas toujours les instruments qui permettraient d’évaluer directement sa « juste valeur », c’est-à-dire sa valeur sur le marché. On est donc conduit à élaborer cette juste valeur, à l’aide de modèles d’évaluation, et sur la base d’hypothèses, de prévisions. Il existe donc ce que l’on appelle un « risque de modèle », qui est à la fois technique (un modèle ne colle jamais complètement à la réalité, il reste une projection intellectuelle) et organisationnel : le modèle peut être manipulé, et il n’est pas sûr du tout que les auditeurs aient la compétence et les moyens de vérifier.

Voilà donc ce qui peut rendre contestable la notion de fair value : ses a priori idéologiques, ses faiblesses techniques. On comprend aisément que les investisseurs de type « actionnaires » y soient favorables, car l’instrument leur est destiné. Il n’en va pas de même des autres parties prenantes, notamment celles qui investissent à moyen ou long terme. Car la fair value privilégie une vision instantanée, ce qui peut déprécier des actifs (et donc un bilan), alors même qu’ils sont riches de promesses. Mais il faut également prendre en compte les autres acteurs, par exemple les salariés, qui peuvent subir directement les conséquences de