Résumer la question des retraites à une simple équation financière est l’attitude la plus courante mais aussi la plus dangereuse. Elle aboutit soit à durcir indistinctement les conditions d’accès à la retraite, donc à creuser les inégalités, soit à revendiquer un statu quo intenable financé par une ponction grandissante sur la richesse produite sans souci des autres dépenses nécessaires comme l’éducation, la recherche, la santé ou la dépendance.

Au-delà de ses enjeux collectifs, la question des retraites renvoie chacun à sa situation : son âge, son parcours professionnel et personnel, sa situation familiale, son patrimoine, ses aspirations, sa conception des temps de vie. L’écart entre la vision personnelle, pour ne pas dire individuelle, et la réponse économique, pour ne pas dire arithmétique, montre le défi que nous devons relever pour imaginer des solutions adaptées à notre temps, à ses réelles opportunités et à ses nombreuses contraintes.

Depuis longtemps, avant 2010, avant même 2003 et 1995, la CFDT a choisi la voie de la lucidité et de l’ambition tout en assumant le prix de l’inconfort. Le livre blanc de Michel Rocard en 1991 disait déjà l’essentiel : « Même avec des hypothèses économiques favorables au plein emploi, les régimes de retraite connaîtront des problèmes de financement, avec, à partir de 2005, l’arrivée massive à l’âge de la retraite des générations nombreuses de l’après-guerre. Là où on avait trois cotisants pour un retraité en 1970, on n’en compte plus que 1,9 en 2010 et 1,7 en 2040 dans les circonstances les plus favorables, 1,3 dans le cas contraire. »

La réforme Balladur de 1993, en ne s’attaquant qu’aux retraites du privé et en éludant tout débat démocratique, a été un premier acte dont le caractère complexe et insidieusement douloureux n’a