Parmi les ouvrages récents consacrés à ce que l’on appelle à présent la gestion des âges, celui de Robert Rochefort s’impose par son ton résolument optimiste.

Le directeur du Centre de Recherche pour l’Etude et l’observation des Conditions de Vie (CREDOC) ne fonde pas sa réflexion sur les seules données comptables, mais sur des éléments sociologiques et démographiques qui demandent de sortir des idées reçues. La hausse de l’espérance de vie des hommes comme des femmes, remarque-t-il ainsi, s’accompagne d’une hausse significative de l’espérance de vie sans handicap : aujourd’hui déjà, l’âge de la retraite ne coïncide plus avec « l’âge d’entrée en vieillesse », qui commence autour de 76 ans selon les spécialistes et passera certainement au-delà des 80 ans dans les années à venir.

Seconde remarque : si la retraite est souvent vécue comme un soulagement chez les seniors, c’est parce qu’ils sont fort mal traités pendant leurs dernières années de carrière. Or, affirme Robert Rochefort, les tensions qui pourraient affecter le marché du travail après 2006 vont profondément changer la donne : de manière mécanique, pour répondre à la raréfaction de la main d’œuvre, les entreprises vont se préoccuper du développement de leurs salariés en leur assurant des formations qualifiantes et en limitant leur exposition à des postes « pénibles », moins attractifs.

Enfin, par passion ou par nécessité, les seniors qui seront alors convoités par les entreprises (lesquelles n’hésiteront pas à leur aménager des fins de carrières « sur-mesure », aidées en cela par de judicieuses réformes sociales permettant par exemple le cumul « emploi-retraite ») auront aussi à cœur de poursuivre une activité de travail garante de leur épanouissement personnel.

Si l’on ne peut que partager le constat initial et l’essentiel de l’argumentation, on peut néanmoins émettre des réserves. Sur le ton un rien donneur de leçon adopté par l’auteur, par exemple, lorsqu’il s’interroge sur l’exemple que peut donner un grand-père « jeune sexagénaire » oisif à son petit-fils étudiant quant à l’importance de la valeur travail. Mais le reproche le plus grave que l’on puisse faire à l’ouvrage, c’est l’optimisme dont il fait preuve.

Il est loin d’être évident, en effet, que les chefs d’entreprises s’engagent « mécaniquement », sous l’effet d’une pénurie de main-d’œuvre, dans des politiques et pratiques durables, que ce soit en matière de formation professionnelle continue et notamment qualifiante (qui conférerait alors au salarié une employabilité à l’extérieur de l’entreprise), en matière de temps de travail (qui devrait permettre aux salariés de mieux organiser leur vie à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’entreprise), ou encore de conditions de travail et d’exposition à des postes « pénibles ». Ce sont là pourtant des enjeux majeurs, conditions sine qua non pour une deuxième partie de carrière longue et réussie : on est pour le moment assez loin du compte, charge aux organisations syndicales de rester vigilantes sur ces thèmes pour permettre aux salariés de se construire de vraies trajectoires professionnelles sécurisées.

Par ailleurs, Robert Rochefort évoque des pistes de réformes et évolutions parfois audacieuses (on citera pêle-mêle : la création « d’une sorte de service national facultatif des retraités », l’affectation à des missions d’intérêt général (éducation au premier secours,…) de professionnels ayant bénéficié de départs anticipés pour cause de pénibilité (sapeurs-pompiers, infirmières…), « reconnaissance » (qui reste à définir…) du temps passé par les seniors à s’occuper de leurs propres parents…), on regrette cependant que ces propositions ne soient jamais vraiment analysées ni approfondies : elles restent ainsi à l’état de propositions vagues, parfois démagogiques.