On ne peut comprendre les transformations du droit du travail dans les trente dernières années, et son application particulière aux cadres, si on ne porte pas un regard sur un passé plus lointain.

Le droit du travail d’avant 1968 se caractérisait de façon concomitante par une très grande faiblesse du droit collectif et une surdétermination des relations de travail par le contrat de travail individuel. Les règles de formation, d'exécution et de rupture du contrat de travail individuel étaient et restent à la base du droit du travail.

L'employeur seul juge

Elles ont conduit la Cour de Cassation à réaffirmer sans cesse le principe de la consécration du pouvoir hiérarchique et de l’employeur seul juge de l'organisation de l'entreprise, de la promotion de ses collaborateurs et des modes de sélection de ceux qu'il embauche ou qu'il débauche. Nous sommes à cet égard, en France, dans une situation très différente de celle des pays voisins, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la Belgique, des pays du nord de l’Europe. Si la France connaît une forme très particulière du droit collectif assurantiel, ce droit n’est pas issu de la négociation collective. Il s’est construit à la fin du XIXe siècle à partir des abus patronaux dans le prononcé des ruptures des contrats de travail individuels des accidentés du travail (voir les travaux de François Ewald sur ce point). C'est par la socialisation des risques que s’est construite une protection collective à l'encontre des conséquences de cette rupture. La création des caisses d’accident du travail, puis de l’assurance maladie et de l’assurance chômage, jusqu’à l’AGS (Assurance garantie des salaires) qui mutualise le risque de défaillance de l’employeur, ont tissé un siècle durant un droit assurantiel collectif contre les risques nés du travail. Cette