Le titre le dit : cet ouvrage se veut pédagogique. Et de fait, il l’est. Le plan est chronologique, ce qui simplifie la compréhension. Les têtes de chapitre sont parlantes : De l’espérance républicaine à l’attente du grand soir, la naissance du syndicalisme français (jusqu’en 1895); Jeunesse du syndicalisme ou fin d’un monde ?, le temps du syndicalisme révolutionnaire (1895/1914) ; Le syndicalisme et la guerre (1914/1921), de l’union nationale à l’éclatement syndical ; Divisions, faiblesses et renaissance, le syndicalisme à la croisée des chemins (1921/1936) ; Le syndicalisme dans la tourmente, du recul de 1938 à la reconstruction de l’après-guerre ; Le rendez-vous manqué avec la sociale-démocratie, le syndicalisme pendant les Trente Glorieuses (jusqu’aux lendemains de mai 1968) ; Crise ou mutation ?, le syndicalisme dans la crise (depuis le début des années 1970).

Pour les auteurs, l’histoire du syndicalisme s’inscrit tout d’abord dans le mouvement par lequel s’est élaborée une conscience collective ouvrière dans la France contemporaine, et c’est parce que cette identité ouvrière n’avait rien d’évident que le discours syndicaà français possède une grande violence identitaire. D’après eux, la conscience ouvrière partagée et fière d’elle-même n’a existé que pendant trois générations, entre 1890 et le milieu des années 1960.

Cependant, le syndicalisme français est marqué tout au long de son histoire, par de très fortes continuités :

. Première caractéristique : il a toujours été minoritaire dans la population salariée et de plus ses adhérents sont grandement instables mais il a une capacité à rayonner bien au-delà du cercle restreint de ses adhérents. . Deuxièmement, il a toujours été divisé, car la théorie révolutionnaire affirme dès 1895 que la légitimité du syndicalisme repose sur le fait que, fût-il ultra-minoritaire, il incarne la vérité de la classe ouvrière. Ainsi la dénonciation du pluralisme au nom de l’unité suscite une division irrémédiable, chaque organisation déniant aux autres le droit d’exister. . La troisième spécificité du syndicalisme français réside dans son rapport très particulier au politique ; alors qu’ailleurs, le syndicat est lié au parti social-démocrate, les principes de la Charte d’Amiens font du mouvement syndical, en posture prophétique, un rival direct du mouvement socialiste.

. Le quatrième trait distinctif du syndicalisme à la française concerne son très fort penchant contestataire : la grève précède la négociation. Refus du compromis toujours présenté comme une compromission, mais aussi affrontement social vécu comme moment de fête et d’affirmation de l’identité.

. Le cinquième et dernier trait du syndicalisme à la française est sa réticence face aux services et sa séparation précoce avec le mutualisme. La dénonciation du réformisme gestionnaire interdit le développement coordonné et systématique de services sociaux (à de rares exceptions près comme la FEN), en conséquence les syndicats sont pauvres et ne retiennent pas les adhérents qui les confondent avec l’Etat-providence.

Pour conclure, les auteurs soulignent la singularité du moment historique : «La crise actuelle du syndicalisme français, plus grave et plus profonde que dans beaucoup de pays, paraît bien correspondre à l’épuisement historique d’un modèle original. Les auteurs, historiens et non militants, appellent à «une réinvention du syndicalisme à la française, que rend plus urgente encore l’européanisation progressive des conditions de l’action économique et sociale» mais sans proposer de pistes concrètes (on aurait pu penser à des modifications juridiques, par exemple) .