Nos lecteurs se souviennent peut-être du livre de François Dupuy, La Fatigue des élites (La République des Idées/Le Seuil, 2005), qui s’interrogeait sur la démotivation des cadres dans l’économie contemporaine.

Quel désengagement ?

Ceux-ci donneraient le sentiment de ne plus y croire, ne s’identifieraient plus aussi facilement au destin de leur entreprise ou du service public qui les emploie, chercheraient à se dérober aux pressions de leur environnement. Prenant la mesure de ce désengagement à travers différentes enquêtes sociologiques, l’auteur identifiait un fait de société et extrapolait sur une possible « révolte des cadres ». Il faut sans doute mesure garder, et rappeler que dans les faits cette révolte hypothétique se réduit souvent à une « tentation du retrait », ou encore à une incroyance qui ne préjuge en rien d’un moindre engagement dans l’activité quotidienne. La difficulté croissante à porter de façon convaincante le message des directions est en revanche une réalité dont témoignent de nombreux cadres. Une distance est apparue entre cadres et organes de direction, qui prend une forme politique avec la moindre participation aux décisions stratégiques (cf. sur ce point les enseignements de notre enquête Travail en questions Cadres de 2002), et se traduit dans un décrochage des rémunérations. Sur ce plan, ce ne sont pas les élites qui se fatiguent, mais bien davantage l’encadrement intermédiaire des firmes et des administrations.

Cette distance amène-t-elle les cadres à se laisser vivre, comme le suggérait Corinne Maier dans Bonjour paresse (Michalon, 2004) ? Rien n’est moins sûr. En revanche, il est certain que la difficulté à transmettre le message politique des directions, la faiblesse des marges de manœuvre en matière de promotions et de politique salariale, contribuent