Comment va le travail ? La question n’est pas anodine, alors que l’emploi se délite et que l’activité s’intensifie sous la pression financière. Il me semble que ce qui caractérise le plus l’état du travail aujourd’hui, c’est la tension, une tension grandissante entre le travail qui est de plus en plus vu comme une œuvre et un travail qui, est dans le même temps et dans le même mouvement, de plus en plus mesuré.

Une autonomie fortement cadrée

Le travail est désormais une valeur positive après que la société a longtemps considéré que le progrès consistait à s’affranchir de son emprise. L’oisiveté n’est plus le cœur du modèle de la classe dirigeante alors que cela fut longtemps le cas. Pour reprendre la classification opérée par Hannah Arendt, le travail se déplace de plus en plus du côté de l’œuvre : il est aujourd’hui vécu comme œuvre et non plus comme un labeur (« labor ») et une souffrance. C’est maintenant un moyen de se réaliser qui met en avant la créativité et l’inventivité qui sont au cœur de la forme d’activité valorisée par l’économie de la connaissance. L’homme doit non pas seulement réaliser sa tâche contre un salaire pour pouvoir vivre par ailleurs, mais une part de l’homme se réalise dans cette tâche et doit l’inventer. C’est une petite musique qui depuis les années quatre-vingt traverse totalement nos sociétés, et que nous avons intériorisée.

Dans le même temps, le travail est de plus en plus mesuré : nous vivons dans la culture du reporting, du chiffre et de la performance. De ce travail autonome, créatif, il faut constamment rendre des comptes, avec des exigences de résultats toujours croissantes. Cette culture de la mesure de la performance n’épargne personne, que l’on soit cadre supérieur ou praticien hospitalier.

Je décris ici le travail que nous réalisons et n