Le privilège de l’âge permet de se retrouver témoin d’une histoire immédiate. Dans les années 70, aborder les cadres comme objet sociologique apparaissait comme incongru dans le monde de la sociologie française du travail.

Lors d’un colloque organisé à Dourdan1 en mars 1977 par le Groupe de Sociologie du Travail, les sociologues se passionnaient pour la division du travail entre les travailleurs ou pour l’organisation du travail comme objectif de la lutte ouvrière. Ma communication avec Pierre Rivard, mon collègue de la Cegos, a été aimablement écoutée. Cette communication2 portait sur le contrôle de gestion et l’exercice du contrôle dans les grandes entreprises ; nous avions fait appel à « surveiller et punir » de Foucault pour montrer l’ubiquité du contrôle et l’installation dans l’espace (siège social, filiales) et dans le temps (périodicité hebdomadaire, mensuelle) de véritables plateformes d’observation de la performance. Nous manions alors la notion de dispositif de gestion. Empruntée à Foucault, cette notion de dispositif avait le grand mérite de nous permettre de souligner un phénomène nouveau, la fonctionnalisation du contrôle.

Nous montrions que le contrôle en fait se généralisait et se propageait de la population ouvrière vers la population des cadres. De la productivité des facteurs de production, le contrôle se généralisait à la productivité des comportements des cadres. Le dispositif de contrôle n’avait pas seulement comme effet de délimiter les champs d’action mais également de déplacer les activités des cadres opérationnels vers les activités qui faisaient l’objet d’un contrôle construit autour de la production de normes. La direction générale voulait mettre « ses » cadres sous tension.

Dans l’espace de