Toutes les enquêtes menées ces dernières années ont mis en évidence le sentiment de manque de temps chez les cadres. Cette appréhension de leur situation temporelle par les cadres eux-mêmes renvoie d’une part au constat objectif d’une durée du travail longue (Fermanian, 1999), d’autre part à un positionnement social (caractérisé entre autres par des niveaux de formation et de revenu plus élevés) qui induit des pratiques d’usages du temps hors-travail plus nombreuses, plus diversifiées et plus chronophages que d’autres catégories. Le sondage conduit par Ipsos pour l’enquête de Chronopost sur les comparaisons internationales des temps privés, de travail et de l’entreprise, fait ainsi ressortir que "les revenus supérieurs sont les plus avides de respirations temporelles : ils sont 60 % à dire manquer d’abord de temps"2. On peut alors légitimement se poser la question de l’impact des 35 heures sur les usages du temps des cadres, sur le regard qu’ils portent sur l’articulation entre leur temps de travail et leur temps hors-travail, sur les valeurs qu’ils attachent à l’un et à l’autre.

Les cadres, grands gagnants des 35 heures ?

Cette question, en forme de paradoxe s’agissant d’une catégorie "qui ne compte pas son temps" (Bouffartigue, Bocchino, 1998), réfère à un constat qui ressort des enquêtes, quantitatives (Estrade et alii, 2001) et qualitatives (Boulin/ du Tertre, 2001), relatives aux effets de la mise en œuvre des lois Robien et Aubry I. Ajoutons tout de suite, et c’est la raison du questionnement, que l’on considère ici les cadres qui ont effectivement bénéficié de la réduction du temps de travail (RTT) et que nous ne préjugeons ni des développements ultérieurs, notamment ceux relatifs à la mise en œuvre de la loi Aubry II, ni des conséquences du report de l’application de la loi dans les