Commençons par un bref retour en arrière. La nouvelle économie a vu des investissements importants dans le domaine de l’immobilier, qui ont permis de donner forme aux modèles d’organisation expérimentés à l’époque. Comment cela s’est-il traduit sur le plan architectural, et qu’en reste-t-il ?

Philippe Croisier. Aujourd’hui, cela nous fait un peu l’effet d’un feu de paille : la plupart de ces entreprises ont disparu, et les modèles actuels sont revenus à une organisation spatiale beaucoup plus classique. Mais il y a eu quelques innovations intéressantes. On pense en particulier à la dimension communautaire, au côté festif, qui étaient très valorisés dans la presse : vu de notre côté, ce n’était pas seulement une question d’atmosphère, de culture d’entreprise, mais aussi un des aspects du développement ultra-rapide. Comme les entreprises connaissaient une croissance très rapide, les bureaux que nous concevions devaient pouvoir absorber des modifications constantes, notamment en termes de nombre de salariés. Le choix, presque partout, du plateau ouvert, traduit d’abord cette contrainte, à mon sens. Et la culture de la « communauté », par opposition à une organisation plus structurée, relève elle aussi de ce besoin de souplesse : quand une structure est sans cesse renouvelée par l’arrivée de nouveaux salariés, elle ne peut pas se fixer dans une forme ; elle a besoin pour gérer sa croissance de conserver une part informelle.

Christel Crivelli. Vivre les uns sur les autres, c’est effectivement une question de place au départ. Il y avait aussi l’âge des gens, bien sûr, et les facilités financières, qui faisaient du travail un « jeu », de l’équipe une « bande », et du bureau un « appart » – il faudrait dire tout ce qu’une émission comme Loft Story doit à ce type de f