Dans ce contexte nouveau où le gouvernement qui s’installe a fait son lit sur des discours de rupture notamment dans la fonction publique (suppression d’un fonctionnaire sur deux etc.), l’étude dirigée par Danièle Linhart et publiée sous le titre « les différents visages de la modernisation du service public » apporte un éclairage intéressant sur le vécu des agents de l’Etat de quatre services déconcentrés du Nord de la France, l’Equipement, la Préfecture, le Trésor public et le Rectorat.

Plus qu’un projet professionnel précis ou un choix de métier, ce sont hasard ou nécessité qui ont souvent guidé les futurs fonctionnaires. De la même façon, les cadres s’inscrivent dans une logique d’études et de concours réussis mais n’ont pas en général choisi leur ministère d’affectation. Pourtant les travaux de cette étude montrent une implication forte, assise sur des valeurs d’égalité et d’impartialité, un sentiment de service public qui créent une identité professionnelle positive et dynamique notamment pour les agents de l’équipement. Ceux-ci ont contribué à des projets d’infrastructures locales visibles et leur ancrage territorial leur permet d’en tirer fierté à tous les niveaux de cette administration. Aussi vivent-ils la décentralisation comme la fin d’une grande aventure collective et un véritable abandon.

Si l’emprise bureaucratique est plus forte pour les services préfectoraux et ceux du Trésor public, le sentiment d’œuvrer pour le service public : « la légalité et l’égalité » dans le sens d’une meilleure justice sociale, leur permet de donner sens à cette bureaucratie.

A contrario dans cette enquête, la caricature du modèle bureaucratique apparaît dans le cloisonnement et la centralisation des décisions qui font le quotidien des agents du Rectorat, leur laissant peu de marge de manœuvre et in fine l’expression d’une anesthésie générale de cette administration.

Dans la plupart des administrations étudiées, ce n’est donc pas tant le changement que craignent ces fonctionnaires que le sentiment de ne plus être reconnus et la perte de sens de leurs missions.

Prendre en compte ces identités professionnelles dans leurs particularités et associer les agents de l’Etat aux choix et aux changements à mettre en œuvre contribuerait à faire de la modernisation du service public, une évolution efficace et positive pour les agents et les usagers. Malgré son approche territoriale restreinte, cette étude apporte une image assez juste des réalités et pourrait éclairer utilement la réflexion de ceux qui ont la charge de cette modernisation des services publics.