Cette revue de l’OFCE met à contribution des chercheurs de différentes disciplines qui la question de la discrimination liée au genre dans le travail et le rôle joué par les politiques publiques. Cette revue ouvre le débat sous différents aspects : philosophique, économique et juridique.

Dans cette revue, Dominique Meurs, Ariane Pailhé et Sophie Pontieux se sont attachées à la question de l’impact de l’arrivée des enfants et des interruptions d’activité des femmes liées à la naissance sur les écarts de salaire entre les sexes.

En France comme dans de nombreux pays européens, l’égalité salariale patine. Pourtant le niveau d’éducation acquis par les femmes les place souvent aujourd’hui en situation meilleure que leurs collègues hommes et cet état de fait aurait dû contribuer à accélérer le processus de réduction des écarts. Il n’en est rien. Pour tenter de comprendre ce phénomène, les auteures ont choisi une approche un peu nouvelle en privilégiant non pas les différences de salaire entre les hommes et les femmes mais les écarts entre les femmes elles-mêmes selon le nombre d’enfants qu’elles ont eus.

La première difficulté réside dans la comparaison des emplois. Avant de conclure à une discrimination il est nécessaire d’isoler et de corriger les effets des choix de filière, des choix de métier qui à diplôme équivalent par exemple, conduisent vers des emplois moins rémunérés.

Les interruptions liées aux naissances et autres congés pour accompagner l’éducation de l’enfant contribuent à réduire l’expérience professionnelle et à peser négativement au fur et à mesure du déroulement de carrière. Des études ont montré que cette dépréciation est plus importante qu’une période d’inactivité liée au chômage par exemple, ce qui tend à accréditer l’idée que les employeurs prendraient ces congés comme un « signal » de désinvestissement professionnel. Les auteures évoquent la théorie de la discrimination statistique qui veut que les employeurs s’appuyant sur leur expérience du travail féminin, traiteraient toutes les femmes de façon particulière en les considérant toutes comme des mères potentielles.

Pour évaluer l’impact des enfants sur les salaires des femmes, les auteures ont constitué des groupes d’âge : les plus jeunes au moment de l’insertion dans le travail, les jeunes mères conciliant vie professionnelle et enfants en bas âge, celles ayant moins de contraintes familiales quand les enfants ont grandi mais aussi des femmes n’ayant pas eu d ‘enfants. Elles constatent que « l’effet des enfants commence alors qu’ils ne sont pas encore nés » particulièrement pour les jeunes diplômées dans la phase d’insertion professionnelle. Les discriminations affectent aussi les femmes sans enfant pour lesquelles un écart de salaire inexplicable est constaté même quand elles ont conduit une carrière professionnelle linéaire comme leurs homologues masculins.

Pour les générations de mères de famille, à emploi égal et investissement semblable, les études mettent en lumière le fait que les femmes bénéficient alors de moins de promotion interne. Tout se passe comme si leur capital humain (diplôme, expérience) était moins valorisé que celui des hommes. Dans le secteur public comme dans le secteur privé, ces travaux conduisent à la conclusion que les deux tiers des écarts de salaire entre les hommes et les femmes restent inexpliqués. Un aspect du travail des femmes a par ailleurs peu fait l’objet de travaux à ce jour, c’est l’investissement réel dans le travail.

En effet la parentalité fonctionne comme un signal de désinvestissement mais rien ne prouve pour celles qui ont opté pour la poursuite d’une carrière à plein temps qu’une présence en temps peut-être moindre sur le lieu de travail se traduise par une moindre efficacité. Tout se passe comme si les femmes qui n’ont jamais eu l’intention d’interrompre leur carrière, n’avaient pas la possibilité de donner un signal crédible aux employeurs de leur engagement professionnel. Cette suspicion peut en retour les décourager confirmant dans une sorte de cercle vicieux, les préjugés des employeurs.

En conclusion, les auteures insistent sur la complexité de l’influence des enfants sur les salaires des femmes (mères ou pas). Sortir de cette situation suppose que la norme sociale devienne la carrière continue pour les femmes comme pour les hommes et qu’à la naissance des enfants, il y ait incertitude sur qui du père ou de la mère va en assumer principalement la charge.

Cette évolution nécessite des politiques publiques qui encouragent les congés parentaux dont une partie significative serait réservée aux pères. Si cette contribution conclut en parlant d’utopie, elle conforte en tous cas la revendication de la CFDT Cadres, ce qui m’a conduit à la mettre particulièrement en exergue parmi les autres articles de cette revue qui croisent de multiples autres regards portés sur cette question des discriminations entre les hommes et les femmes.