Trente ans après, les éditions Stock ont la bonne idée de publier le discours que prononça Simone Veil pour présenter le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse devant l’Assemblée nationale, le 26 novembre 1974, Il est suivi d’un entretien avec Annick Cojean, journaliste au Monde, dans lequel l’ancienne ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing resitue le débat dans le contexte de l’époque. Trente ans après, on est frappé par la force du discours, la clarté du propos et son extrême dignité. Simone Veil est profondément convaincue que « la loi s’imposait pour éviter une situation dramatique inextricable, mettre fin à un désordre public et soulager la détresse de milliers de femmes. Â» Modifier la loi de 1920 qui condamnait l’avortement devenait en effet urgent : chaque année, on estime qu’environ 300 000 femmes avaient recours à l’avortement clandestin. Si les plus aisées pouvaient partir à l’étranger ou recevoir discrètement des soins dans des cliniques privées, les plus démunies avaient recours à des méthodes parfois très primaires, dans des conditions d’hygiène déplorables, pouvant engendrer mutilation, stérilité et parfois même la mort. Légaliser l’avortement, c’était faire cesser cette injustice. C’était permettre à toutes les femmes de recevoir une information médicale sur les risques encourus afin de prendre une décision en toute responsabilité. « La décision finale de procéder à une interruption volontaire de grossesse devait revenir à la femme, et à elle seule, et l’intervention ne pouvait être pratiquée que par un médecin. Â» Et Simone Veil de rappeler : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cÅ“ur à l’avortement. Â»

Face à un hémicycle essentiellement rempli d’hommes et dans un climat extrêmement tendu, Simone Veil va s’appliquer à convaincre, à « trouver la bonne tactique pour faire passer une loi dont les dispositions soient aisément applicables. Â» Certaines réactions seront d’une violence et d’une grossièreté inimaginables. Mais après une nuit de débats, le texte est voté par 284 voix contre 189. Michel Poniatowski, qui avait précédé Simone Veil à ce poste, dira que seule une femme pouvait faire passer une telle loi : « l’histoire nous montre que les grands débats qui ont divisé un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une étape nécessaire à la formation d’un nouveau consensus social, qui s’inscrit dans la tradition de tolérance et de mesure de notre pays. Â»