Du domaine des attentats et des catastrophes, les problématiques victimologiques ont gagné le champ du travail. Des cliniciens ont souligné que nombre de situations de souffrance au travail impliquaient la responsabilité d’un tiers et imposaient de passer du modèle d’une souffrance individuelle trouvant son origine dans l’histoire infantile, à un modèle impliquant un agresseur et une victime. Cependant, même si elles introduisent en position tierce, la société, ses règles et son système judiciaire, les approches du type harcèlement moral en restent à une représentation abstraite, strictement focalisée sur la relation interpersonnelle et qui, de ce fait, n’intègre pas les enjeux bien réels autour desquels se nouent ces drames. Or, la prise en compte du contexte particulier ou au contraire l’absence de cette prise en compte oriente la mise en forme du cas et sa prise en charge dans des directions radicalement différentes.

Ce contexte est, en effet, marqué par la diffusion de modalités de conflits nouvelles qui, dans la plupart des cas, ne trouvent pas à s’exprimer dans les formes collectives héritées des époques antérieures. En arrière-fond, il y a les mesures de libéralisation des 25 dernières années et l’exacerbation de la concurrence qu’elles ont délibérément suscitée, avec pour résultat, dans le domaine qui nous occupe, une très nette intensification du travail. Les conséquences en termes de pathologies physiques et mentales sont connues. Mais ces évolutions ont aussi profondément transformé la nature des relations nouées autour du travail.

Nouveau contexte, nouveaux conflits

L’organisateur taylorien prétendait connaître le travail et le prescrire dans le détail. Le manager qui le remplace aujourd’hui affirme n’avoir nul besoin de connaître l’activité de ceux qu’il encadre. Un principe d’organisation se répand dans