A l’image d’une « bof génération » individualiste, peu motivée et vite découragée, vous préférez l’image d’un « engagement sur mesure ». Pourriez-vous préciser cette idée ?

Dans les années 1960 et 1970, le discours structurait l’engagement ; l’activité découlait de l’idéologie. Cette forme d’engagement que l’on pourrait dire classique était caractérisée par sa stabilité. Les militants étaient souvent multicartes : ils adhéraient à un mouvement, avec des formes institutionnelles et une cause à servir.

Aujourd’hui, l’engagement part de soi. Les initiatives civiques et solidaires existent toujours, mais elles sont moins associées à des discours, et de ce fait, peut-être, peu visibles. Elles sont portées par des valeurs humanistes, et s’il y a bien une adhésion, c’est surtout une adhésion à ces valeurs. Par rapport à l’institution, on pourrait évoquer avec Martine Barthélémy1 une « culture de contractualisation ». L’engagement se fait sur une activité, et non sur l’histoire, la culture ou l’idéologie du mouvement. C’est l’activité qui doit séduire ; quant au discours, il suffit qu’on y soit indifférent. C’est ainsi que certains jeunes peuvent mener des actions sociales dans des associations dont ce n’est pas le centre de gravité, mais qui leur offrent un espace pour agir.

La multiadhésion est beaucoup moins fréquente aujourd’hui : on traite un sujet à la fois. En revanche, on change plus vite de sujet : il est plus facile de changer d’activité que d’idéologie.

L’engagement étudiant semble être passé d’un modèle d’affiliation à un modèle contractuel. Peut-on parler de zapping ?

On observe en tout cas une succession rapide des séquences d’engagements. Prenez le 21 avril, par exemple : les