Se recentrer sur son métier : il y a quelque chose d’une formule magique dans ce slogan qui semble résumer toutes les stratégies industrielles du moment. A telle enseigne qu’on finit par y croire comme à une évidence, en oubliant les questions posées par un programme tout aussi vague que ce terme de « métier », aujourd’hui mis à toutes les sauces. Un petit retour historique s’impose.

Les grandes entreprises européennes des Trente Glorieuses se définissent moins par un savoir-faire spécifique que par leurs produits, leur taille, leurs marchés. En un mot, par leur puissance, beaucoup plus que par leur rentabilité ou leur réactivité.

Elles tendent à contrôler tout ce qui est contrôlable, à la fois dans leur production (en limitant au maximum le recours à la sous-traitance) et dans leur marché (en cultivant l’idée du monopole, au moins sur le marché national). Le gigantisme est leue horizon, selon un imaginaire qui emprunte aussi bien aux géants industriels américains et soviétiques (constitution à partir de la fin des années 1930 de grands groupes comme Usinor, la SNCF, Charbonnages de France) qu’au modèle de l’armée de masse, expérimenté par Napoléon et théorisé par Clausewitz. Puissance maximale, taille maximale, et donc réussite maximale ?

Le tournant de 1980 coïncide précisément avec la remise en cause de ce modèle. On cite souvent l’exemple d’IBM, géant de l’informatique débordé par des nains qui vont en l’espace de quatre ou cinq ans le déboulonner de son piédestal

En France, le Waterloo de ce type d’organisation industrielle pourrait être situé en 1984, avec l’arrivée de Georges Besse à la tête de la Régie Renault. La même année, le rapport Dalle a mis en évidence l’existence d’un sureffectif de 40 000 personnes dans l’industrie automobile française : c’est un véritable électrochoc, qui va amener la Régie à