L’intelligence artificielle (AI) est un ensemble de technologies informatiques capables de réaliser des tâches cognitives à la place de l’homme. La plupart des tâches et des métiers est donc concernée. La reconnaissance vocale, la biométrie, la reconnaissance d’images, l’aide à la décision, les services de relation client... peuvent se déployer dans des secteurs très divers, s’affranchissant du temps et du volume d’informations à traiter.

Un rapport de France Stratégie pose une intéressante synthèse de ces enjeux : « En dehors de quelques champs particuliers, la technologie est encore peu présente dans le quotidien de la plupart des métiers, [...] et cette transformation n’est pas radicalement différente de la numérisation de l’économie [...]. Ce qui change aujourd’hui, c’est que l’intelligence artificielle repose bien souvent sur un mécanisme d’apprentissage, où l’accumulation de données permet l’amélioration continuelle des dispositifs. Au point d’engendrer, un jour, d’ici cinq ans, dix ans ou plus selon les tâches, une véritable rupture dans ce qu’il est technologiquement possible de faire » 1.

La montée de l’autonomie des véhicules symbolise cette progressive mais inexorable mue. L’AI assiste le conducteur et le remplace pas à pas, tout en ouvrant des possibilités en matière de maintenance, de stationnement, de conduite dans certaines conditions, etc. Globalement, France Stratégie identifie :

  • des opportunités sociales : émergence de nouveaux métiers grâce au traitement massif des données (superviseur de flotte de véhicules, de chatbot), amélioration des conditions de travail et valorisation d’activités/tâches (sociales, relationnelles, créativité…), prise en charge par l’IA des tâches routinières et répétitives, autonomisation des travailleurs, des clients, des patients,
  • des risques pour l’emploi : gains de productivités importants possibles (chatbot, à terme véhicule autonome), modification des frontières des métiers (santé),
  • des risques pour les travailleurs : dévalorisation des compétences, surcharge cognitive, perte d’autonomie, contrôle accru, perte de sens du travail2.

Accompagner les transformations

Les activités de la banque et de l’assurance constituent par exemple un domaine où l’IA se développe. Ce secteur repose en effet largement sur l’exploitation des données et de transactions. Le Crédit Mutuel a par exemple déployé le robot d’intelligence artificielle Watson dans son réseau pour assister la lecture des mails que reçoivent les 20 000 chargés de clientèle dans 5 000 agences3. « La banque et l’assurance disposent d’un avantage indéniable : leur expérience dans la mise en oeuvre d’innovations technologiques et dans la gestion sociale de leurs conséquences » note la CFDT Banques et Assurances, rappelant que « le numérique est aujourd’hui un facteur majeur de changement parmi d’autres, transversal, qui peut à la fois accélérer les changements, le volume et le contenu des emplois mais aussi améliorer les conditions de travail. Car à la question ‘‘que fait-on du numérique ?’’, la réponse n’est pas technique mais politique et de gestion. C’est ce débat qui doit être au coeur du dialogue social dont les salariés attendent qu’il soit producteur de sens ».4

Si le secteur n’a pas perdu autant d’emplois comme l’annonçait la rapport Nora il y a quarante ans, les métiers d’entrée dans la banque pourraient prochainement disparaître. « La question est celle de la vitesse à laquelle les mutations vont s’opérer et de la volonté qu’on met à gérer la transformation » plaide Luc Mathieu, secrétaire général de la fédération, rappelant que « les injonctions fortes se jouent dans un environnement désormais incertain » 5. Dans le secteur financier comme ailleurs, l’enjeu est bien la qualité de l’accompagnement des transformations. « Contrairement aux idées reçues, les innovations technologiques ne détruisent pas le travail, qu’il soit manuel ou intellectuel : les créations d’emploi l’emportent sur les disparitions » note Le Monde à l’issue d’un colloque de la Fondation pour les sciences sociales6. L’AI transforme le travail au risque de détruire de l’emploi s’il n’y a pas d’accompagnement des évolutions professionnelles.

1 : Salima Benhamou, Lionel Janin, « Intelligence artificielle et travail » rapport à la ministre du Travail et au secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du Numérique. Avec la contribution de Agnès Bocognano, Julia Charrié et Guillaume Thibault, France Stratégie, mars 2018.

2 : Ibid. A lire sur www.strategie.gouv.fr/ publications/intelligence-artificielle-travail.

3 : Banques & Assurances de CFDT Magazine n° 436 - septembre/octobre 2017

4 : Résolution générale 2018-2022.

5 : Revue Banque n°825, nov. 2018.

6 : Ariane Chemin, « Mutations du travail : les différents profils de l’intelligence artificielle », 23 nov. 2018.