Le droit au travail existe, avec une portée juridique limitée. « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » est-il écrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. C’est un droit à « la subsistance par le travail », pour reprendre une expression de la Révolution, autant dire un élément de la citoyenneté, d’émancipation de la féodalité, de la liberté individuelle naissante. Notre Constitution actuelle affirme que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Cela ne s’entend pas comme une obligation de résultat, c’est-à-dire comme une obligation absolue de donner à tout chômeur un emploi, mais bien comme une obligation de moyens : il s’agit de mettre en œuvre une politique permettant à chacun d’obtenir un emploi. Le projet expérimental pour la résorption du chômage de longue durée a pour objectif de démontrer que l’exclusion sociale due à la « privation d’emploi » vécue depuis des décennies par la majorité des chômeurs de longue durée n’est pas inéluctable. « Le projet repose sur trois postulats posés par le mouvement ATD-Quart Monde » précise Chantal Richard, secrétaire confédérale CFDT : « nul n’est inemployable, si l’emploi est adapté aux personnes ; ce n’est pas le travail qui manque, le travail utile à la société ; ce n’est pas l’argent qui manque car la privation d’emploi coûte aussi cher que l’emploi utile ». Le projet « territoires zéro chômeur de longue durée » est d’abord un projet intégrateur. C’est seulement lorsqu’un territoire parvient à produire des emplois supplémentaires à la hauteur des besoins d’emploi de la population qu’il peut faire l’expérience d’un équilibre budgétaire où le coût de la privation d’emploi évitée vient financer l’emploi supplémentaire dont la société a besoin. Il n’est possible que sur un petit territoire pour faciliter la mise en relation d’acteurs dans une action commune.

La loi du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée a été adoptée à l’unanimité, ce qui est rare. Une centaine de collectivités territoriales ont répondu à l’appel à projet et dix ont été retenus. Elle permet l’utilisation et la mutualisation de fonds publics afin de rémunérer des chômeurs volontaires pour travailler, en CDI et payé au SMIC. La mutualisation concerne entre autre les Allocations spécifiques de solidarité, (non pas de mutualisation avec les allocations chômage), RSA fonds de formation, aides au logement, etc. C’est une sorte de troisième marché, mi-public, mi-privé, entre emplois aidés et marché du travail. Des « entreprises à but d’emploi » (EBE) sont créées pour embaucher des salariés sur des emplois pas tout à fait solvables, mais distincts d’un assistanat stérile, ces emplois proposés sont discutés dans le cadre d’un comité local afin de ne pas être concurrentiels avec d’autres emplois locaux. L’activité est celle de services à la personne (personnes âgées isolées, notamment) et dans l’espace public (jardinage, par exemple). La démarche est sociale, économique et politique : « la nouveauté est de mettre en question l’organisation économique en reconnaissant que l’emploi ne peut être réduit à un don librement consenti par l’économie, mais est un dû qui s’impose : une question de justice et non de charité » explique Chantal Richard. Aujourd’hui 650 personnes ont été embauchées par les (il peut y avoir plusieurs EBE dans un territoire) EBE créees dans chaque territoire, mais « tout projet pour aider une personne en difficulté implique un bilan qualitatif plus que quantitatif ». L’enjeu est la qualité du pilotage de chaque comité local chargé de mettre en relation des acteurs, pour transformer l’appui financier des chômeurs de longue durée en appui professionnel financé.