Comment regardez-vous le management à partir du travail ?

Les différentes formes d’expression du mal-être (suicide, stress, absentéisme, désengagement, etc.) ont généré des critiques à l’égard du management contemporain. Ces critiques vont de la dénonciation de la financiarisation de l’économie à la stigmatisation de comportements managériaux inadaptés. Avec notre approche par le management du travail, nous nous sommes surtout intéressés au rapport entre le management - perçu comme un système et un ensemble de pratiques - et les conditions de réalisation du travail. De nouveaux cadres d’analyse et d’action sont nécessaires pour se représenter ce rapport. Il s’agit, notamment, d’examiner la capacité du management à apporter les ressources nécessaires à la réalisation d’un travail susceptible de répondre à la fois à des enjeux d’efficacité productive, de préservation de la santé et de développement des personnes. Cette approche globale vise ainsi à présenter une alternative crédible aux modes d’organisation et de management qui tendent à étouffer la subjectivité du travail et à limiter les régulations opérées par les acteurs sur le terrain.

Comment voyez-vous le rôle et la formation du manager ?

Du fait de sa position charnière, le manager doit articuler des logiques contradictoires, leur donner du sens, les intégrer au sein d’un cap flexible en fonction des pressions subies et des ressources disponibles pour résister à ces pressions et tenter de concilier l’inconciliable. La valeur ajoutée du manager dépend de sa capacité à remplir pleinement ce rôle de médiation et à pouvoir assurer son travail d’organisation du travail. Un travail qui s’inscrit dans une dynamique d’échange et de négociation entre différents acteurs, en particulier ceux en charge de concevoir et d’organiser l’activité et ceux en charge de la réaliser. Pour ce faire, il convient de repenser le contenu et les modalités de la formation managériale en allant sur le registre du travail et en favorisant le développement d’un manager critique. Il s’agit aussi de laisser davantage de marges de manœuvres à ce dernier et à son équipe en rapprochant le pouvoir de décision du travail. Plus globalement, les modes d’organisation et les systèmes de management doivent prendre en compte le travail et soutenir l’activité des managers.

Comment cette proposition est-elle reçue dans les entreprises ?

Si pour certaines entreprises, le modèle du management du travail vient éclairer et consolider des aspirations ou pratiques qui s’inscrivent déjà dans cette perspective, pour d’autres c’est un changement de cap radical et elles ont besoin de faire l’expérience des vertus de notre approche. L’analyse du travail des managers est, pour nous, une porte d’entrée pertinente pour convaincre les directions de revoir leurs modes de fonctionnement. Elle rend visible tout ce qui tend à limiter le travail de management de leur personnel d’encadrement et met en évidence les régulations et arrangements opérés pour favoriser bien-être et efficacité au quotidien. Dans de nombreux cas, la stratégie consiste aussi à s’appuyer sur des projets de changement en analysant leur impact sur le travail. Enfin, les démarches de prévention des risques psychosociaux ou de développement de la qualité de vie au travail sont, pour le réseau de l’Anact, des champs d’action privilégiés pour interroger les pratiques managériales de l’entreprise et leur propension à jouer pleinement leur rôle de régulation du travail.