La transformation numérique des entreprises bouleverse les métiers, les méthodes et l’activité. Au niveau international, le marché du travail est majoritairement fait d’emplois atypiques. Le sous-emploi s’étend, ainsi que les aspirations à être plus libre dans son travail, à s’investir dans des coopérations, à résister à la prescription des organisations traditionnelles. L’emploi salarié stable à plein temps reste majoritaire mais n’est plus dominant : le travail indépendant, la poly-activité et travail sur plateformes se développent. Ce phénomène associé à celui de la mondialisation et à la centralisation des décisions dans les multinationales, rend plus que jamais pertinents l’action et l’investissement syndicaux au niveau international1.

L’UCC et son ancêtre, la FFSIC « dès sa création en 1944, ne conçoivent pas leur action comme limitée aux frontières nationales. Au sortir de la guerre, elle se situe dans un contexte marqué par la recherche d’une Europe organisée et vivante »2. Il s’agit bien d’un engagement profond et continu.

La CFDT Cadres s’est largement investie au sein des différentes instances internationales au travers de mandats de premier plan : la présidence d’UNI Professional & Managers Europe de 2004 à 2012, le secteur européen d’UNI ICTS (informatique et télécom) de 2009 à 2017. A Eurocadres, la CFDTCadres s’est largement investie via la présence à sa création en 1993 puis la trésorerie et depuis 2013, une vice-présidence. Je suis membre titulaire du comité exécutif d’UNI Global. Et, depuis 2015 un mandat confédéral au CESE, Comité économique et social européen, en tant que membre titulaire. Ce comité est consulté sur toutes les initiatives législatives de la Commission européenne et nous permet d’appréhender les dossiers en amont et de peser sur la régulation européenne. La CFDT Cadres a aussi investi le mandat au sein du comité directeur de UNI Europa P & M depuis 20123.

Ces mandats sont souvent peu connus des adhérents. Mais il s’y délivre un travail de fond sur des enjeux professionnels et sociétaux : organisation du travail, avenir des cadres, compétences et formation dans le cadre de la révolution numérique, droit de vigilance et droit d’alerte, nouvelles pratiques syndicales vis-à-vis de nouvelles formes de travail... Ils requièrent des actions et réflexions à partager au niveau européen et international.

Il s’agit aujourd’hui de continuer de porter et renforcer ces objectifs syndicaux communs, d’améliorer la connaissance et la compréhension des cultures et pratiques syndicales au-delà de nos frontières, de construire et renforcer les alliances et les réseaux syndicaux internationaux. Les Comités d’entreprise européens, les alliances syndicales mondiales sont des vecteurs du développement syndical des cadres et de soutien et solidarités dans les pays où les syndicats sont faibles et les droits fondamentaux souvent bafoués.

Des projets concrets

Nous devons poursuivre notre engagement de la façon la plus large possible car plus que jamais nous avons besoin de l’Europe sur le socle des droits sociaux, sur de nouvelles protections pour accompagner les mutations du travail, pour renforcer le dialogue social et peser sur les décisions de la Commission. Nous devons œuvrer pour bâtir des projets européens au sein d’UNI et Eurocadres autour de différents axes.

En matière de droit de vigilance et de responsabilité sociétale, la nouvelle loi en France doit être l’occasion de faire un travail au niveau des multinationales et traduire ces dispositions concrètement. Dans la multinationale Orange, dont je suis membre du Comité groupe monde et de l’alliance syndicale mondiale, ces questions sont débattues en ce moment et feront l’objet d’un accord mondial possible au sein de l’alliance syndicale mondiale d’UNI. De même, la protection des lanceurs d’alerte qui est devenue un droit en France fait partie aussi de ce dispositif de vigilance qui reconnaît leur rôle. Ou encore la déconnexion, devenue un droit grâce à la CFDT, est revendiquée dans plusieurs pays européens. Beaucoup de nos collègues en Europe regardent avec grand intérêt ce que nous faisons en France. La CFDT Cadres est souvent sollicitée pour présenter ce droit et son application dans les réalités de travail. La réflexion autour du numérique et de son impact est conduite au niveau national et européen. Un avis rendu par le CESE sur l’intelligence artificielle, notre atelier au congrès CFDT Cadres sur ce thème, offrent de la matière à réflexion que nous devons partager au niveau international avec nos homologues syndicaux.

Nous avons également intérêt à partager le travail sur la syndicalisation des travailleurs des plateformes, les pratiques et suivre les évolutions de projets innovants. Cette veille permet à la CFDT Cadres d’anticiper sur tout sujet qui serait structurant pour l’avenir du syndicalisme au niveau européen et mondial. De même, la transformation digitale des entreprises est portée à notre réflexion au niveau européen. Je cite par exemple le projet UNI Europa « Evolutions des Relations Industrielles dans le cadre de la Digitalisation de l’Industrie des Services, Challenges et Opportunités pour les partenaires sociaux » soutenu par Bruxelles, et implique différentes recherches universitaires qui apportent des ressources à nos réflexions sur le syndicalisme de demain et le dialogue social dans le futur monde du travail. La globalisation de l’économie, des entreprises, les nouvelles formes de travail rendent obligatoire et plus que jamais appropriée une action syndicale au-delà de nos frontières.

1 : A lire : F. Salis-Madinier, « L’économie sans frontières impose de nouveaux champs d’action syndicale », Cadres n°472, mars 2017.

2 : M. Rousselot, « 40 ans d’action internationale. L’ouverture sur le monde passe par l’Europe », Cadres n°430-431, nov. 2008.

3 : Cf. www.cadrescfdt.fr/actualites/syndicalisme-international