Les récits et témoignages du groupe de travail « jeunes cadres » ont surpris certains lecteurs, tant les profils qui s’y esquissent diffèrent des représentations classiques de l’engagement militant. Vous semblent-ils représentatifs ?

Si l’on se réfère aux grandes évolutions du syndicalisme cadre, telles qu’on peut les observer depuis la fin des années 1970, je répondrais par l’affirmative. Les profils de ces trentenaires ne sortent pas du néant, on peut y retrouver des perspectives qui ont elles aussi près de trente ans. A l’époque, on adhérait souvent à la CFDT après un passage par l’UNEF, l’UGE, la JEC1, ou d’autres structures comme le Secours catholique, l’éducation populaire avec la fédération Léo Lagrange... L’engagement syndical était un prolongement naturel de cet engagement étudiant. En outre, au début des années 1970, il était plus souvent idéologique et politique que professionnel. La gauche autogestionnaire représentée par la CFDT avait alors une identité politique très forte, marquée par un rapport au pouvoir et un rapport au capitalisme beaucoup plus tranchés qu’aujourd’hui. Dans ce contexte, la CFDT prônait fréquemment un certain anti-hiérarchisme : d’une certaine façon, pour les cadres, l’engagement était négateur par rapport à l’identité professionnelle.

A partir des années 1970-1980, l’avènement de l’informatique et de la robotique va déplacer les enjeux. On s’interroge alors sur la technologie, sur ce qu’elle remet en cause dans l’organisation de la société. Ce questionnement est surtout dû à la présence des ingénieurs dans le syndicalisme des cadres de l’époque, et peut apparaître comme un début de réconciliation entre la fonction professionnelle et le projet politique.

Les jeunes cadres d’aujourd’hui seraient quant à eux réconciliés avec leur métier ?