Aujourd’hui nombre de ces difficultés tiennent au fait que le contrat de travail des cadres, qui les place classiquement dans un lien de subordination à l’égard de leurs employeurs, ressemble aussi de plus en plus à un contrat de prestation de services que pourrait conclure un indépendant.

Le travail au forfait

Il en résulte que les cadres sont soumis à des injonctions contradictoires. Comme n’importe quels salariés ils sont sommés de respecter des directives, ils sont contrôlés dans l’exécution de leur travail et sont sévèrement et parfois brutalement sanctionnés. Mais ils sont aussi poussés à être autonomes sans avoir vraiment les moyens de l’être, à parvenir à des résultats alors que le contrat de travail n’est censé les obliger qu’à une obligation de moyens, à être de petits capitalistes sans capital, et à considérer leur employeur comme un client sans pouvoir développer de clientèle. Soumis aux aléas du contrat de travail sans bénéficier de la protection qu’il confère (dans l’économie fordiste l’échange implicite de la stabilité de l’emploi contre une certaine fidélité), ils subissent tous les inconvénients du travail indépendant sans profiter de ses avantages. Ces évolutions concourent à faire des cadres une nouvelle catégorie de travailleurs fragilisés face aux risques de l’emploi, et pour des raisons qui sont sensiblement différentes de celles des salariés ordinaires.

Cette tendance a bien été mise en évidence à la fin des années 1990, lors de l’entrée en vigueur des lois Aubry, qui ont intensifié le travail des cadres. Ces lois ont permis de forfaitiser leur temps de travail, comme le fait pour lui-même un travailleur indépendant, par exemple un consultant qui facture des jours de travail. D’ailleurs les cadres en forfait jours ne sont plus soumis à la durée maximale absolue du temps de travail quotidien et hebdom