De ce livre nous retiendrons le vibrant appel à la vigilance pour que la démocratie survive. Pour être réelle, la démocratie participative doit être pratiquée par le plus grand nombre à tous les niveaux. L’auteur fait l’éloge de l’obtention du sens par un processus de questionnement pertinent.

Bien qu’il dresse un tableau pessimiste sur les pratiques actuelles, en matière de droit à la parole, droit à l’initiative, droit à se faire entendre, il fait part d’une conviction profonde et inébranlable en un meilleur monde possible et accessible sous réserve de quelques conditions préalables.

Il écrit ainsi : « dans toutes nos observations, et quelle que soit l’institution en cause, le plus remarquable est la capacité potentielle de réflexion collective et créative des individus à notre époque. Et le plus affligeant est l’immense gâchis qui procède du refus politique que cette richesse vienne au jour ».

Nous ne pouvons nous empêcher un parallèle avec le monde de l’entreprise. N’y est-il pas régulièrement constaté une absence de réelle communication sur les grands dossiers stratégiques ? Les connaissances et informations accumulées par les dirigeants qui ont les moyens de se faire accompagner des plus grands experts du moment ne sont pas partagées avec le personnel, laissé à l’écart. Les représentations du monde « réel » se différencient alors fortement entre ces deux groupes et le fossé se creuse inévitablement dans la capacité d’analyse et l’appréciation des situations. La confiance se rompt, la méfiance s’installe et les résistances se solidifient. L’incompréhension grandissante s’accompagne d’inévitables conflits et l’élaboration de compromis devient de plus en plus difficile.

L’auteur met en cause l’incapacité, pour ceux qui le possèdent, à partager le pouvoir. C’est dans la prise de conscience de cette situation et par la volonté de développer des processus coopératifs que l’on crée de la démocratie participative. La méthode préconisée porte sur la création de groupes homogènes qui communiquent entre eux par la médiation de l’écrit. Un groupe analyse des problèmes posés à son niveau et les transmet par écrit au groupe concerné qui doit répondre aussi par écrit. Ce dialogue ainsi constitué, entre individus entre lesquels une égalité de droits et de devoirs est reconnue, aboutit à une prise en compte d’une gestion maîtrisée des conflits et à leur bonne résolution.

Gérard Mendel milite pour une restauration de l’autorité de l’Etat, mais il est forcé de constater que les actions entreprises ont plus tendance à augmenter le pouvoir de l’Etat que son autorité. Or, il ne sert à rien de doubler l’effectif de la police, ce qui revient à renforcer le pouvoir, mais c’est en doublant ou triplant le budget de la Justice que l’autorité de l’Etat pourrait être rétablie.

Il peste contre les faibles moyens accordés à la Justice, s’insurge contre la notion de « responsabilité sans faute » qui ne permet d’obtenir que l’indemnisation de la victime, le délit n’étant pas sanctionné, faute de l’identification d’un responsable précis. Cela n’étant à son sens pas tolérable car bien souvent, les dysfonctionnements, source du problème, avaient été repérés par le personnel concerné qui n’avait pas pu se faire entendre. Cela aboutit, aux yeux de Gérard Mendel, à l’idée que l’argent peut effacer le délit, que tout peut s’acheter. Il en vient ainsi à préconiser l’élargissement de la responsabilité du manager à l’obligation de veiller au bon fonctionnement de la chaîne des informations ascendantes.

Il préconise aussi l’apprentissage du droit à l’école : cela permettrait d’intégrer le respect des règles comme défense contre la violence. Celle-ci est en effet souvent enchevêtrée à des phénomènes psychiques propres à l’être humain, qui ont été résolus par les sociétés antérieures et ne le sont plus aujourd’hui. Le psychisme de l’homme moderne est fragilisé par rapport à des peurs intérieures et collectives inhérentes à l’état d’inachèvement du nouveau-né, qui pour devenir homme, cherchera et parviendra à créer des illusions lui permettant de calmer ses craintes d’abandon, de privation...

Ses convictions fondées sur ses recherches psychanalytiques amènent Gérard Mendel à penser que la démocratie se construit en trouvant la force de fuir les leurres qui font croire au plaisir éprouvé lors de l’enfance et recherché tout au long de sa vie. Cela nécessite un combat permanent : « il faut en permanence mobiliser le fond et le tréfonds de sa personnalité pour accepter de regarder en face la réalité objective et pour l’affronter dans un acte créatif, à l’inverse de nourrir sa subjectivité d’illusions et de promesses impossibles à tenir ».

Le tissu social se délite, l’individu se retrouve seul à devoir affronter les questions essentielles de la vie. Le déficit de réponse collective sur le sens de la vie avive la souffrance de l’individu isolé et c’est dans l’apprentissage volontaire de la démocratie participative que l’on peut trouver le ciment qui permettra à la démocratie de recréer du lien, en intégrant la participation égalitaire de chacun de ses membres.