Une analyse des expressions de salariés dans divers secteurs, notamment l’automobile et l’hôpital public. Le point de départ est la pression financière, les contraintes économiques. Le point d’arrivée donne à voir que l’humain au travail est toujours en renégociation dans un réseau d’opportunités et de contraintes, et que les contraintes, une fois élaborées sont objet de débat et quelquefois même de fierté. Cependant, cette contrainte percute tous les niveaux de l’activité, l’organisation, l’articulation au collectif, les collaborations, les hiérarchies de prestige et le travailleur lui-même : ses savoirs, son rapport au travail, sa conception du métier...

Ainsi l’irruption de la contrainte bouscule l’humain au travail. Soit il en fait un combat d’éthique et/ou d’identité, soit il négocie comme cette praticienne qui finit par récupérer un appareil coûteux en allant voir directement le fabricant. Alors le plaisir de maîtriser une nouvelle compétence, de jouer avec, revient dans le travail. Après un temps de sidération et de refus le travailleur remet en discussion l’organisation du travail au sens large pour y faire entrer la contrainte économique. S’il s’agit de la contrainte environnementale, c’est la même chose. L’acousticien automobile a le sentiment de ne plus pouvoir faire du « beau » travail car il faut produire des voitures qui polluent moins, sont plus légères mais font plus de bruit. Il est tiré vers d’autres compétences qui, pour lui, n’ont pas de valeur… sauf s’il se prend au jeu de les développer.

Le livre montre ainsi que si le premier discours (premier dans le temps et aussi le plus impactant et le plus rémanent) est celui de la critique d’un économisme qui percute le travail et l’abîme, en fait, nombre de travailleurs s’en arrangent, voire jouent avec, voire le revendiquent tout en dénonçant bien sûr les effets pervers ou les utilisations dévoyées. Passé le temps de la sidération, il est ainsi proposé de réfléchir à la discussion contrainte-travail. Les contraintes tuent le travail si la négociation n’a pas lieu, si l’espace de négociation n’existe pas.