L’utopie démocratique n’est pas morte ! C’est le message que porte ce petit livre rebelle à la résignation face à la « logique incontrôlable du capitalisme spéculatif ». Il entend contribuer à l’ouverture d’« un nouvel espace horizontal d’expérimentation sous le signe de l’utopie » (Jean-Louis Laville).

Horizontal. Quel mot révélateur de l’interrogation aujourd’hui dominante dans le champ politique ! A l’heure de la « société des individus » (Norbert Elias), pas de question plus urgente, en effet, que de repenser le politique à partir d’une société civile travaillée par l’aspiration à l’égalité et à la reconnaissance de chacun dans un statut d’acteur. « Chacun désire être reconnu autant que les autres » (Alain Caillé). C’est une « mutation considérable dans l’ordre des revendications démocratiques ». Avec cette conséquence évidente depuis plus d’une décennie : l’ébranlement de la démocratie représentative par la requête de démocratie participative. Et tout le problème, situé au cœur de ces échanges, est d’inventer les formes d’hybridation de ces deux modalités aussi nécessaires l’une que l’autre. Un travail esquissé sur la base d’une double conviction : 1) de ré-ancrage du politique dans la société civile mais sans naïveté, c’est-à-dire sans verser dans l’utopie d’une dissolution du politique. D’où les interrogations de Thomas Coutrot sur « les limites de l’horizontalité » et de la « démocratie de la multitude » prônée par Toni Négri ; 2) de défense corrélative des vertus du dispositif de démocratie représentative d’une fonctionnalité incontestable. On se permettra ici de renvoyer aux ouvrages récents de Marcel Gauchet, La Condition politique (Gallimard, 2005) et de Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français (Seuil, 2004).

C’est assurément le chantier des décennies à venir. Il inclut centralement l’entreprise où « les individus veulent être entendus, reconnus, traités comme personnes à part entière, associés aux décisions quels que soient leurs fonctions ou leur rang dans la hiérarchie » (Roger Sue).

On regrettera cependant que, placé sous le signe de l’utopie, cet ensemble se risque si peu à l’exploration des voies possibles d’un nouveau « partenariat entre société civile et Etat ». Il serait temps maintenant de dépasser le stade du diagnostic un peu général sur lequel tout le monde, ou à peu près, s’accorde pour traverser l’épaisseur de la troublante réalité sociale et y tracer, dans le concret, les lignes du possible.