Reprenant ainsi une critique formulée dès les années 70 par Jürgen Habermas, cette nouvelle livraison de la revue Innovations examine les rapports qu’entretiennent recherche et développement économique pour comprendre comment leur interaction peut s’ériger en un système technicien échappant pour partie au contrôle social.

En effet, technopoles, pépinières d’innovation et grappes technologiques se caractérisent par une multiplicité d’échanges entre recherche publique et partenaires industriels afin de promouvoir une économie fondée sur la connaissance. Cependant, c’est le modèle de la libre entreprise qui structure désormais ces échanges captant l’investissement dans la production de savoirs scientifiques et de nouvelles technologies au profit de certains secteurs économiques.

Or, logiques scientifiques et économiques ne sont pas toujours compatibles. Les problèmes économiques ne se laissent pas aisément réduire à une formalisation algébrique susceptible de conduire à des procédures optimales de résolution. L’économie traite de l’allocation des ressources et de la redistribution des richesses, processus conditionnés par des régulations politiques. Par rapport aux paradigmes économiques mobilisés dans la construction de l’espace européen de la recherche, des ajustements plus ou moins importants sont nécessaires pour adapter les stratégies de recherche et d’innovation aux réalités économiques et sociales des différents États membres. C’est pourquoi il importe d’analyser les conditions réelles dans lesquelles s’opère le transfert de connaissances et de technologies au profit des opérateurs des différents secteurs de l’industrie et des services.

Connaître les usages socioéconomiques des sciences et des techniques et comprendre comment ils déterminent le développement des connaissances et des innovations, telle est l’ambition de ce numéro dont les articles reprennent les communications d’un colloque consacré en mai 2006 à la programmation de la recherche dans l’espace européen. Par les contributions qu’il réunit, ce numéro d’Innovations contribue à nous éclairer sur les « liaisons dangereuses » qu’entretiennent parfois recherches scientifiques et politiques économiques.