Les politiques d’assistance naissent au dix-neuvième siècle, le travail social s’affirme lors des Trente Glorieuses : l’Etat-social se met en place après-guerre. « Dans un contexte de croissance économique, où la flèche du temps est orientée vers des jours meilleurs, le travail social est la voiture-balai des autres institutions : celle qui s’occupe des abandonnés provisoires du progrès social »1. L’assistance sociale vient en appui du travail salarié dans la protection sociale. Les crises économiques et le développement du sous-emploi durable viendront bouleverser cet état relativement stable. Désormais, les travailleurs sociaux doivent épauler les chômeurs, les précaires, les sans-domicile et leurs proches. Il s’agit moins d’accompagner vers le progrès que de faire face à l’incertitude et au risque de décrochage.

L’exercice du métier de travailleur social a beaucoup évolué depuis ces dernières années. Mais il y a aujourd’hui une appellation reconnue et partagée. Initialement composée des trois figures historiques : l’assistante de service social, l’éducateur spécialisé et l’animateur socioculturel, elle est étendue à d’autres professions.

Nous sommes passés, fort heureusement, d’une logique de secours, ou de réparation auprès d’individus laissés-pourcompte (même si cette dimension est toujours présente), à un travail d’accompagnement de l’individu, à un soutien dans ses différents aspects de la vie sociale, dans une logique d’autonomie et de responsabilisation si chère à la CFDT. Le travail social est à la fois à l’intérieur et aux frontières du médical, de la justice, de l’éducation, de la sécurité, de l’aide sociale, des familles, mais toujours en ayant pour fondement l’accompagnement de la personne afin qu’elle retrouve plus d’autonomie, de dignité et dans un enjeu sociétal de cohésion sociale. C’est pourquoi ses professionnels nous semblent légitimement relever de la catégorie cadres, de par ce qu’ils font, les responsabilités qu’ils assument, l’autonomie dont ils font preuve et leur formation.

Pour accompagner une famille en difficulté, permettre son accès aux droits sociaux, un assistant social peut être amené à contacter des dizaines d’interlocuteurs, à négocier la protection des personnes dans l’urgence, il lui faudra synthétiser des problématiques complexes sous forme de rapports d’investigation et d’analyses approfondies. Argumenter les motifs de séparation d’un enfant de ses parents, par exemple, est une décision lourde à prendre, et qu’il n’est pas si simple d’assumer. Leur expertise en relations humaines permet aux travailleurs sociaux d’endosser ce type de responsabilité, en prenant la distance nécessaire face à la violence dont ils sont témoins. Ils doivent également faire preuve d’une grande autonomie, seuls face aux personnes en grande difficulté, seuls face aux décisions de « placement » ou de familles à problèmes multiples, et ce parfois en contradiction avec la sécurité, tel cet éducateur, chargé de convoyer pendant deux cents kilomètres, seul, un jeune qui vient d’agresser un de ses collègues.

Le rôle des travailleurs sociaux est fondamental pour la cohésion sociale de notre société. Ils doivent faire preuve de capacités d’analyse, de compétences, voire d’expertise en relations humaines, et ils sont formés pour cela. Ils assument des responsabilités importantes dans une grande autonomie. C’est un rôle de cadre à reconnaître, à l’heure de la négociation dans le secteur privé sur la définition de l’encadrement. C’est, dans le public, à l’heure des élections professionnelles, une revendication CFDT de leur passage en catégorie cadre A, injustement reportée d’un an par le gouvernement. Autonomie, compétences, expertise, responsabilités : pour la CFDT, le travailleur social est un cadre à part entière.

1 : Bertrand Ravon, Jacques Ion, Les Travailleurs sociaux, La Découverte, 2012.