À défaut d’imagination, il est loisible de durcir le ton. Les nouveaux Zola de la question du travail s’en privent rarement, relayés par une critique sociale qui peine à se renouveler. Totalitarisme des machineries gestionnaires, management par la terreur, banalité du mal : on nous sort toute une panoplie détournée de la pensée d’Hannah Arendt à propos du système nazi. Ce qui revient, excusez du peu, à assimiler les managers à des criminels de bureau.

Il y a quelque chose d’irresponsable à proférer ce genre d’insanité. Mais là n’est pas le problème. Il est dans ces interprétations qui unifient une critique intellectuelle et sociale radicale, des médias en mal de sensation, les assureurs de « risques psycho-sociaux » et les experts en la matière. Les premiers fabriquent des victimes et des coupables, donc des procès. Les seconds vendent des indicateurs censés alerter les dirigeants sur la survenue de ces nouveaux risques coûteux. Sans doute est-ce plus intéressant, à tous égards, que de faire la genèse des processus, afin d’en tirer les fils d’une action inscrite dans la durée.

Il faut raison garder. Il y a une profonde crise de l’organisation du travail, laquelle, au demeurant, ne date pas d’hier.

Cela fait trente ans qu’une sélection implicite basée sur le niveau scolaire provoque des spirales de disqualification des peu qualifiés, niant l’expérience des anciens et des « immobiles » qui ont appris sur le tas. Il n’est pas rare que, lors de restructurations ou après, des ouvriers désespérés se tuent, ou bien qu’ils tombent malades et meurent.

Cela fait plus de vingt ans que l’organisation du travail combine la discipline du mode opératoire avec le contrôle, plus difficilement contestable, des résultats d’après des objectifs quantifiés et, de plus en plus, individualisés.

La pression que fait peser cette contractualisati