L’inquiétude exprimée par mes amis lorsque je suis parti pour Kaboul s’est manifestée de diverses façons. Certains m’ont conseillé de porter une arme, d’autres préconisaient le gilet pare-balles. Kidnapping, mort violente sous les balles d’un chef de guerre… les imaginations allaient bon train, mais personne n’a songé à me conseiller d’éteindre mon chauffage au propane, la nuit, ou de prendre garde aux trous des trottoirs – alors que ce type d’accidents est beaucoup plus probable, et pourrait d’ailleurs avoir des conséquences bien plus grave qu’un kidnapping.

Le connu et l’inconnu

Pourquoi un tel décalage entre des menaces certes réelles, mais cependant peu probables, et d’autres risques invisibles mais aux conséquences tout aussi graves ? Tout autant qu’à l’ignorance de ceux qui se représentent une situation de l’extérieur, il me semble que cela renvoie à la nature même du risque, au caractère virtuel de la menace. Tant que l’accident n’est pas survenu, le risque reste une pure représentation, plus ou moins construite et plus ou moins rationnelle.

On a souvent peur de l’inconnu, mais on a rarement peur de ce qui est peu connu. A moins d’en avoir fait l’expérience, personne ne songera au risque de tomber, la nuit, dans l’une des nombreuses tranchées qui trouent les trottoirs de Kaboul et peuvent avoir jusqu’à un mètre cinquante de profondeur, sur près d’un mètre de large. La manière dont la presse de Paris ou de Chicago couvre les enlèvements en Afghanistan (sans parler des confusions entre l’Afghanistan et l’Irak) laisse naturellement les lecteurs occidentaux convaincus du caractère inéluctable de l’enlèvement. Les rares informations qu’ils reçoivent sont de caractère sensationnel et induisent l’idée fallacieuse que les enlèvements sont monnaie courante, alors que les accidents liés au chauffage au propane ont f