Ma mère est artiste et mon père ingénieur.

Toute mon enfance, j’ai entendu mon père dire qu’elle n’avait pas la notion du temps. Toute mon enfance, je lui ai demandé pourquoi il avait besoin de régler sa vie sur un agenda, même le week-end.

Elle, c’est une dévoreuse de temps.

Elle pense qu’il est élastique et accueille l’imprévu de bon gré, elle « papillonne ».

Elle utilise le téléphone pour échanger des sentiments… Elle a toujours du temps pour parler, pour écouter et pour faire des projets. Elle court en permanence après ses multiples projets, stressée que le temps s’écoule si vite, éternellement insatisfaite quand elle fait le bilan de ses journées. Ses montres s’arrêtent. Elle en achète régulièrement de nouvelles.

Son expression favorite est « j’ai couru comme une folle ». Elle fait ce qu’elle aime et poursuit le but de sa vie. Elle n’a pas un fixe en bas à droite…

Lui, c’est un gestionnaire du temps.

Il le découpe en quartiers, l’optimise, le rationalise, l’occupe, le rentabilise. Il est satisfait quand les prévisions sont respectées. Accueillir l’imprévu est une épreuve. Il s’impatiente. Il regarde l’heure. Il utilise le téléphone pour échanger une information. Il fait du tri.

Son expression favorite est « il faut toujours aller au bout de sa flèche ». C’est lui qui a le fixe en bas à droite…

Quand je suis entrée dans la vie active, je portais l’héritage, vous l’aurez compris, d’une approche un peu « schizophrène » du temps : il s’agissait de faire ce que j’aimais mais avec un fixe en bas à droite… C’était en 1995. Comme la plupart des cadres que je connais, je me suis laissée entraîner dans un temps de travail qui a pris une grosse place dans ma vie. Une spirale grossissante. J’ai alors en