Voici un ouvrage pédagogique qui, analysant la dynamique des crises financières, fait œuvre utile et citoyenne. Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives économiques, y dessine les contours d’une économie politique des bulles spéculatives qui s’emparent régulièrement des sphères financières et boursières.

La première partie de l’ouvrage restitue avec brio l’histoire de ces crises financières : des plus anciennes, avec la folie spéculative qui s’empare de riches marchands des Provinces –Unies au XVIIe siècle lors de la vente des bulbes de tulipe Winkel au marché d’Alkmaar, aux plus récentes comme celle des « subprimes » ouverte à la mi-septembre 2008 par la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers. On y trouvera un portrait de John Law en aventurier de la finance et une description très documentée de la crise de 1929, mais également des détails intéressants sur une crise moins connue, celle des « trusts » en 1907.

Bien qu’il n’existe toujours pas de théorie des crises financières, la seconde partie de l’ouvrage s’attache à mettre en évidence leurs points communs : à l’origine, des « innovations financières », comme la titrisation des crédits, corrélatives d’une déréglementation subie ou voulue, à laquelle succède une course au profit que les mécanismes de contrôle prudentiel devenus inadaptés ou défaillants ne parviennent plus à maîtriser. L’auteur souligne le rôle joué par les paradis fiscaux dans l’organisation des fraudes tant individuelles que systémiques qui accompagnent le développement de la bulle spéculative. Sur cette dynamique vient se greffer un aveuglement collectif qui débouche à plus ou moins court terme sur l’éclatement de la bulle spéculative. L’exposé sur les mécanismes de résorption de la crise met en lumière la paralysie de certaines institutions financières et l’impuissance des gouvernements nationaux, mais également la collusion de chapelles scientifiques promouvant des thèses économistes en faveur d’une libéralisation complète des marchés financiers.

Dans une dernière partie, l’auteur expose les mécanismes de régulation susceptibles d’empêcher la survenue de tels événements cataclysmiques qui, au-delà du détail des instruments envisagés, passe impérativement par l’établissement d’une réelle gouvernance mondiale de la sphère financière. Avant que les conséquences ne s’inscrivent dans l’économie réelle, débouchant souvent sur la récession économique, une paupérisation des classes sociales et des nations les plus défavorisées et parfois de sanglants conflits.