La crise financière pose le défi de la régulation : nous avons besoin de règles pour éviter d’avoir à demander aux Etats de jouer les pompiers de service. Mais prenons garde aux effets de balancier entre la totale liberté aux marchés et le retour de l’Etat-nation. L’incendie éteint, la question de la prévention et des réformes ne doit pas être éludée. A commencer par une analyse en profondeur des causes.

Prenons l’exemple des normes comptables qui se sont imposées dans les pays de l’Union Européenne, sans que les Etats qui les dénoncent ou les critiquent aujourd’hui ne soient montés au créneau au moment de leur mise en place. Pourquoi ces normes qui portent une vision si singulière de l’entreprise se sont-elles imposées ? Une entreprise pouvant être achetée, vendue, revendue, comme si elle existait sans salariés. Pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de concertation entre différents acteurs ? La crise de la régulation est avant tout une crise de l’autorégulation. Le problème est bien l’absence de confrontation organisée dans le processus de détermination de la règle, de la régulation. Une confrontation organisée entre diverses parties prenantes, une confrontation organisée des logiques d’intérêt différenciées. Et cela vaut à tous les niveaux, tant au niveau international pour sortir des logiques d’appartements… qu’au niveau européen entre les différents acteurs représentatifs, qu’au niveau de l’entreprise à travers le dialogue social entre partenaires sociaux, sans oublier l’environnement de l’entreprise. La financiarisation de l’économie a considérablement accru la distance entre capital et travail. Il devient urgent de repenser proximité entre capital et travail et une vision bien étroite de la gouvernance réduite à la relation de l’entreprise avec ses seuls actionnaires.

Il y a un déficit de responsabilité sociale et sociétale, appelant un autre modèle de gouvernement d’entreprise, une gouvernance « multi parties prenantes ». Pluralité des critères de la décision, pluridisciplinarité, co-construction, confrontation, mais aussi coresponsabilité des acteurs seront sans nul doute les mots-clés d’une nouvelle forme de régulation, à inventer, à construire à tous les niveaux, de l’entreprise, aux institutions internationales, sans attendre la prochaine crise. Un nouveau modèle de régulation synonyme de développement soutenable, durable, équilibré. Un nouveau modèle dans lequel les représentants des salariés, des apporteurs de travail, auront voix au chapitre, aux côtés d’autres parties prenantes, dans lequel les organisations syndicales doivent prendre toute leur place.