Le travail du manager est un travail d’enquête, dans un sens très précis du mot « enquête », développé par les philosophes de l’action et de la connaissance, notamment par deux grands théoriciens.

Construire les connaissances en situation

Le premier de ces théoriciens est un personnage réel, le second un personnage de fiction... L’auteur qui a réellement existé, c’est John Dewey, grand philosophe pragmatiste américain (1859-1952), dont l’un des sujets de prédilection était l’éducation. Dans ses ouvrages Démocratie et éducation1 et Logique, la théorie de l’enquête2, il explique qu’on apprend en faisant et qu’on fait en apprenant, et que l’action et l’apprentissage sont toujours ancrés dans des situations concrètes. Le théoricien fictif auquel je faisais référence, c’est Sherlock Holmes, qui a l’immense avantage de toujours théoriser sa pratique pour son compagnon le Docteur Watson. Sherlock Holmes tient en fait des propos très proches de ceux du philosophe John Dewey.

De manière frappante, tous deux usent de la même métaphore : ils notent que « enquêter, ce n’est pas penser dans son fauteuil ». Enquêter, c’est ancrer la pensée dans l’action expérimentale, dans l’essai pratique.

La théorisation de la pensée et de l’apprentissage comme enquête, dans laquelle on joint l’acte à la réflexion, a fait école. Le psychologue Jacques Lacan, le sociologue Garfinkel, les philosophes Gilles Deleuze et Bruno Latour3, entre autres, se réfèrent à la théorie de l’enquête : on n’ « acquiert » pas des connaissances, on les construit en situation. Eventuellement, on les co-construit avec un instructeur, mais celui-ci ne peut pas « transmettre » ses connaissances comme on transmet un fardeau ou l’on